Page 3 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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JAMES BOND & NOUS

                                                                          C’est la discussion qui alimente tous les dîners en ville de la
                                                                          planète : que vaut le dernier James Bond ? Alors que l’espion
                                                                          le plus célèbre de Sa Majesté fête ses 50 ans à l’écran et que
                                                              sort dans les salles obscures le 25ème opus le mettant en scène, le monde
                                                              entier semble être pris de « Bondmania ». Pas un magazine qui ne célèbre
                                                              les deux événements, pas un tapis rouge sans Daniel Craig, les marques

                                                              partenaires de la saga nous inondent de publicités, les files se forment
                                                              devant les salles de cinéma…
                                                              Pourquoi un tel engouement dans le temps ? Bien sûr, il y a les sublimes James
                                                              Bond Girls, les Aston Martin, la vodka-martini, les smokings, les gadgets et

                                                              le délicieux frisson que procurent les films d’espionnages. Evidemment, il y
                                                              a le fameux et entêtant « James Bond Theme », les méchants jubilatoires,
                                                              la charmante Miss Moneypenny et les paysages exotiques. Mais il y a autre
                                                              chose : si l’espion 007 a si bien traversé le temps, c’est qu’il a constamment été

                                                              le reflet de son époque. Les années 60 sont celles du conquérant Sean Connery,
                                                              mâle dominateur, éternel sourire au coin des lèvres, qui traite ses conquêtes

                                                              avec une désinvolture frisant la muflerie. Au cours des années 70, où l’air du
                                                              temps est à l’autodérision, c’est le kitsch et très british Roger Moore qui prend
                                                              la relève : l’humour et la décontraction sont des armes plus efficaces que les

                                                              muscles. Au début des années 1980, les films d’action ont tendance à devenir

                                                              plus violents et plus torturés, à l’image de la société : c’est ainsi qu’est choisi
                                                              Timothy Dalton, qui incarne un James Bond plus sombre et plus implacable,
                                                              dont l’humour a quasiment disparu. Dans les années 1990, retour à l’élégance
                                                              british avec Pierce Brosnan, mix idéal entre l’assurance virile de Sean Connery
                                                              et la décontraction goguenarde de Roger Moore. Ce James Bond est de son
                                                              temps : il doute, n’use de la violence que contraint et forcé et traite les femmes
                                                              avec beaucoup plus de respect que ses prédécesseurs.
                                                              Aujourd’hui, alors que Daniel Craig semble bien installé dans les habits de
                                                              l’agent 007, que nous dit-il de nous-mêmes ? D’abord, que la violence est au
                                                              cœur de la société : les bons et les méchants utilisent les mêmes méthodes et
                                                              seuls les objectifs diffèrent. Les gadgets ont d’ailleurs été remplacés par des
                                                              scènes d’action beaucoup plus réalistes que par le passé. Signe des temps, les
                                                              femmes ont encore gagné en profondeur, au point que dans Casino Royale,
                                                              Daniel Craig est éclipsé par sa partenaire féminine, Eva Green. Surtout, il nous
                                                              dit que les héros sont fatigués : dans Skyfall, c’est un James Bond vulnérable,
                                                              cabossé et auto-destructeur, plein de rage intérieure qui s’offre à nous. Le
                                                              monde dans lequel il évolue est injuste et dangereux. De choix en regrets, il
                                                              s’agit d’abord de survivre, quitte à laisser quelques principes
                                                              au bord du chemin. Puisqu’il est dit que James Bond est le
                                                              miroir de notre époque, vivement la suivante !
                                Photo montage réalisé         La rédaction
                                 par VH magazine
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