Page 3 - Lire votre magazine en version PDF
P. 3

La fin de l’année est proche, si ce n’est la fin du monde

                                                                          comme nous l’annoncent les millénaristes, jamais à court
                                                                          de prophéties apocalyptiques. Cette-fois, c’est pour le 21

                                                              décembre 2012, correspondant à la fin du cycle du calendrier maya. Mais
                                                              ce ne sera guère que la 56ème prophétie d’une longue suite de fi ns  du
                                                              monde annoncées dont la plus ancienne recensée remonte au 21 mars
                                                              1843 par l’adventiste William Willer. Depuis, on a eu droit à à peu près tout :
                                                              destruction complète des gouvernements et des religions, anarchie générale,
                                                              Armageddon, cataclysmes, extraterrestres détruisant la terre  à coups de
                                                              laser, raz-de-marée provoqué par une chute de météorites, boule de feu,
                                                              apocalypse nucléaire, destruction du monde par Satan, trou noir, chute d’un
                                                              astéroïde provoquant un raz-de-marée jusqu’à Nevers, passage dans la
                                                              quatrième dimension dû à l’inversion du courant de l’énergie, Big crunch,
                                                              et on en passe et des meilleures. Ah oui ! on oubliait... le bug de l’an 2000
                                                              et la grippe H1N1 de Roselyne Bachelot. A écouter tous ces Nostradamus
                                                              du dimanche, on passerait notre vie sous les abris. Entre-temps, le monde
                                                              a eu droit à d’autres cataclysmes beaucoup moins prédits mais tout aussi
                                                              meurtriers. Et ils ne sont pas, pour la plus part d’entre eux, le fait d’un Deus
                                                              ex Machina ou de Mère Nature mais bien le nôtre. « L’Homme... ne prononcez
                                                              plus ce mot », s’exclamait-on chez Ionesco. Comment ne pas désespérer
                                                              de l’humanité quand un pays continue d’en pilonner un autre lui déniant
                                                              jusqu’au droit à l’existence ? Quand, sous prétexte de rétablir l’orthodoxie,
                                                              des fanatiques sèment le chaos dans des  régions entières d’Afrique ?

                                                              Quand le grand capital sacrifie des millions d’emplois pour conserver son
                                                              trend haussier ? Quand en Inde, quelque 200.000 intouchables, un panier
                                                              d’excréments sur la tête, exercent à la main  le métier de nettoyeur de
                                                              toilettes de villages ? Et, plus près de chez nous, quand des petites filles sont

                                                              extirpées de leurs familles pour être exploitées à des tâches dégradantes qui
                                                              ne sont pas de leur âge ? Face à toutes ces horreurs, on ne peut que s’indigner
                                                              pour garder un semblant d’humanité. Et l’une des formes d’indignation les
                                                              plus nobles reste celle de l’humour qui, chez Albert Camus, était élevée en
                                                              art de la révolte. Cet art-là, il est un humoriste marocain qui en est le digne
                                                              récipiendaire, Hassan El Fad. Candide abordant les sujets les plus épineux
                                                              sans avoir l’air d’y toucher, Hassan soigne par le paradoxe les maux qui
                                                              criblent notre société. Et l’univers du cirque dont il se revendique, sous ses
                                                              airs oniriques, n’a jamais été aussi salutaire que sous son chapiteau. Le
                                                              clown et trapéziste Annie Fratellini disait que « Le cirque, c’est un rond de
                                                              paradis dans un monde dur et dément ». En d’autres mots,
                                                              un peu de douceur dans un monde de brutes. Et cela illustre
                                                              parfaitement l’art de Hassan el Fad. Bonne année !
                                     Hassan El Fad            La rédaction
   1   2   3   4   5   6   7   8