Page 25 - VH Magazine N°133 - Octobre 2014
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Farid Belkahia



                     L’ADIEU AU MAÎTRE


                                                         PAR MOHAMED AMESKANE
                           ne fi gure emblé-                                                grand artiste qui a marqué
                           matique de                                                      l’histoire de la culture maro-
                           l’histoire de l’art                                             caine. Farid Belkahia restera
                  Umoderne et                                                              pour moi le déconstructeur/
                  contemporain au Maroc nous a                                             constructeur d’une œuvre à
                  quittés ce jeudi 25 septembre                                            part, d’une « marque déposée
                  2014. Natif de Marrakech en                                              », originale. Se distinguant par
                  1934, imprégné de l’ambiance                                             une recherche éternelle, un
                  de la ville rouge, ses couleurs                                          questionnement perpétuel,
                  et ses lumières, Farid Belkahia                                          il abandonne la toile pour le
                  cultiva, dès sa tendre enfance,                                          cuivre et la peau, la cadre
                  le goût du beau. Son père ne                                             classique pour des formes
                  fréquentait-il pas le milieu des                                         novatrices, l’utilisation de
                  peintres artistes étrangers                                              matières du terroir à l’instar
                  visitant le pays ou y séjour-                                            du henné, safran et écorces
                  nant à l’instar de Jeannine                                              de grenades…Artiste/artisan,
                  Teslar et Nicolas de Staël ? A                                           mais aussi poète des tons,
                  peine sorti de l’adolescence,                                            signes et matières, «Très tôt
                  le jeune instituteur à Ouarza-                                           il considère que l’être est un
                  zate s’envole pour Paris où il                                           ensemble de forces terriennes
                  s’inscrit à l’école des beaux-                                           qui, par une communication
                  arts en 1959. C’était l’époque                                           très forte avec les éléments
                  où la ville lumière ouvrait ses                                          dans leur immense diver-
                  bras et portes aux artistes en                                           sité doit tendre, (d’où l’une
                  provenance des quatre coins                                              des premières signifi cations

                  de la planète ainsi que de l’ef-                                         de la flèche), vers une sorte
                  fervescence des débats autour    dans l’enceinte des missions étran-     de plénitude mystique… »
                  de l’école de Paris. Après un stage à   gères et surtout, retour au patrimoine   comme le souligne sa compagne Raja
                  l’académie du théâtre de Prague où il   artisanal pour le questionner et s’en   Benchemsi.
                  s’initia à la scénographie, le voilà de   inspirer dans l’objectif de la création   Farid belkahia nous quitte au moment
                  retour au bercail. Grâce au syndicaliste   d’une école marocaine. L’un des événe-  où un musée national d’art moderne et
                  Mahjoub Ben Seddik, il est nommé en   ments phares de cette époque reste la   contemporain ouvre ses portes. Enfi n
                  1962 directeur de l’école des beaux-  fameuse exposition en plein air de la   ! Au moment où son ami Jack Lang
                  arts de Casablanca. En compagnie des   place de Jamaâ al-Fna à Marrakech.   célèbre la culture marocaine à Paris
                  Melehi, Chebaâ, El Baz, Azema, Toni   Jeune, j’en garde un souvenir frais au   et évoque la mémoire de celui dont

                  Maraini et autres Bert Flint, c’est tout   fin fond de ma mémoire visuelle. C’est   « … l’œuvre domine la scène artis-
                  un mouvement qui venait de naître,   peut-être là même le déclenchement   tique mondiale. Par son ampleur et
                  remettant en question jusqu’à la vision   de ma passion pour les arts ?  sa singularité ». C’est pour quand un

                  des arts au Maroc. Débats autour de la   Difficile de résumer, en quelques   hommage digne de son nom, de son
                  peinture « coloniale », refus d’exposer   lignes le parcours atypique d’un   parcours ?



                                                                                          Octobre   2014    VH magazine   25
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