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DOLCE VITA  I I  Ciné

                                                                                           demeure souverain.

                                                                                           Il fait fi de la différence d’âge, de la
                                                                                           sénilité du comédien qui approche
                                                                                           à bride abattue, des préférences
                                                                                           sexuelles et se concentre sur l’es-
                                                                                           sentiel: l’appel de l’âme dans un
                                                                                           partage fort de visions sur la vie, sur
                                                                                           l’amour, sur les relations humaines,

                                                                                           dans leurs conflits, leurs accords et
                                                                                           désaccords.
                                                                                           L’autre point intéressant dans
                                                                                           cette comédie romantique, c’est
                                                                                           cette confrontation des âges. Al
                                                                                           Pacino vieillit, on le sait. Mais au
                                                                                           lieu de le cacher, d’essayer de faire
                                                                                           comme si il était toujours le jeune
                                                                                           premier jouant Mickeal Corleone
                                                                                           chez Copolla, il affiche ses soixan-

                                                                                           te-quinze balais avec beaucoup
                                                                                           d’aisance. Alors, il joue de sa viei-
                                                                                           lesse, il s’amuse, il fait son autodé-
                                                                                           rision et parfois en fait un peu trop.
                                                                                           Mais il garde tout de même une
                                                                                           certaine retenue, ce qui donne corps
                                                                                           à l’un de ses rôles les plus justes de
                                                                                           ces quinze dernières années tant
                                                                                           Al Pacino a multiplié les mauvais
                                                                                           choix et les mauvaises prestations.
                                                                                           Dans des passages sublimes d’ac-
                  BARRY LEVINSON OFFRE À AL PACINO UN GRAND RÔLE DE COMPOSITION POUR UN RETOUR CONVAINCANT SOUS LES   teur ex-star, qui a tout perdu et qui
                  PROJECTEURS, APRÈS UNE BONNE SÉRIE DE NANARDS. UNE COLLABORATION TRÈS ATTENDUE QUI DONNE CORPS À   souffre de dépression, chez lui dans
                  L’UN DES FILMS LES PLUS ABOUTIS DE L’ANNÉE 2015, AVEC UN AL PACINO TOUJOURS ÉGAL À LUI-MÊME, MAIS AVEC   son salon, se mettant à parler tout
                  PLUS DE RETENUE DANS LE JEU ET DANS L’APPROCHE DE SON PERSONNAGE.          PAR ABDELHAK NAJIB  seul, il est à la fois profond, atten-
                                                                                           drissant et subtil. Sans oublier cet
                                                                                           autre moment magique de cinéma
                      e réalisateur de “Rain Man”,   là que Pegeen, la fille de l’un de ses   quand Al Pacino entre dans un délire

                      “Good Morning Vietnam” ou   plus proches amis, vient lui rendre      verbal sans queue ni tête, après un
                 encore “Sleepers”, Barry    visite. Il faut savoir que pour la jeune      traitement de cheval pour soigner
                Levinson, s’associe à Al Pacino   femme, depuis son enfance, Simon         son mal de dos. Tout bonnement un
                dans un film très particulier et   Haxler est un mythe, une légende,       acteur génial qui maîtrise ses outils
                très éloigné de la filmographie du   un amour non avoué. Elle a au          et en fait ce qu’il veut.

                cinéaste américain. Rien à voir   moins 35 ans de moins que lui et         Il est clair que Barry levinson a
                avec “Bugsy”, “Le meilleur”, “Des   surtout elle est lesbienne, mais elle   construit tout son film sur le dos

                hommes d’infl uence” ou “Liberty   se sent attirée par l’acteur et veut     de Al Pacino. C’est la garantie tous
                Heights”. Là, c’est un fi lm centré   à tout prix le séduire. Evidemment,   risques pour offrir un fi lm juste,
                sur un homme, de surcroit comé-  les parents de la jeune femme ont   RÉALISÉ PAR   sérieux, avec un message clair sur
                dien, qui vit un drame intime, entre   peur de cette idylle complètement   BARRY LEVINSON.  la passion, l’art, le passage du temps
                lui et lui-même. C’est l’histoire de   folle qui va dans tous les sens,   AVEC   et l’espoir. Barry Levinson s’en tire
                Simon Haxler, un bonhomme au   mais l’amour a ses propres raisons   AL PACINO,   finalement avec un film qui se tient,


                caractère bien trempé qui a connu   que la raison ignore. Bref, c’est un   KYRA SEDGWICK,   malgré de nombreuses failles, mais
                des moments de gloire indéniable.   chasse-croisé de sentiments sur        un opus à la fois drôle, tragique,
                Mais comme tout le monde, il vit   fond de vieillesse et de seduction   GRETA GERWIG,  charmant par moments avec une
                un long et terrible passage à vide   entre un homme sur la fin et une   MANDY PATINKIN,  Greta Gerwig tout bonnement

                où rien ne peut le satisfaire ni lui   jeune femme aux goûts sexuels à   CHARLES GRODIN,  superbe dans ce rôle de lesbienne
                redonner un brin d’espoir dans   l’opposé, mais qui vibre par admi-  LOUISE TRENNER,   amoureuse d’un vieux bonhomme.
                l’avenir. La belle époque derrière   ration devant l’amour de sa vie.   DIANNE WIEST...  Avec une mise en scène tout aussi
                lui, sans argent, Simon Haxler doit   C’est là toute la force d’un tel fi lm,   folle que le personnage de Simon
                trouver un moyen pour s’en sortir.   arriver à créer ce dialogue presque   Haxler, The Humbling est un bon
                Il se débrouille de petits rôles pour   en sourdine des sentiments et des   moment de cinéma sans prétention,
                survivre et lors d’une representa-  sens entre des personnes que tout      mais avec beaucoup de tendresse


                tion, il tombe et finit à l’hôpital. C’est   doit séparer. Mais au final, le coeur   entre humains.
                                                                                  Août-Septembre   2015    VH magazine   1
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