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Après avoir nagé, rampé puis marché, ne voilà-t-il pas main-
                                                                    tenant que l’humanité « scroll ». Les homo-cyberneticus que
                                                                    nous sommes devenus - par suite de la révolution numérique
                                                          de ce début de nouveau millénaire-ont été dotés de nouveaux sens, de
                                                          nouvelles facultés. Telles les bottes de sept lieux, nous disposons désormais
                                                          avec Internet d’un pouvoir d’ubiquité : celui de parcourir le globe, d’entrer en
                                                          communication avec les contrées les plus reculées de la planète et d’être
                                                          informés du moindre évènement. Le tout sans avoir à quitter son salon. En

                                                          faisant défiler sur le mur de nos écrans d’ordinateur les milliards d’infor-
                                                          mations qui nous viennent en flux RSS. Jamais n’avions nous été autant

                                                          en prise avec le monde qui nous entoure. Affranchis des obstacles des
                                                          barrières spatiales, nous étions désormais dans ce fameux village global tant
                                                          vanté. Une incroyable ère de rapprochement des cultures, de découverte de
                                                          l’autre, de concorde civilisationnelle s’annonçait. Hélas, force est de constater
                                                          que rien de tout cela n’est advenu. A l’ère d’Internet, des réseaux sociaux,
                                                          de Twitter, de Whatsap et d’Instagram jamais la communication comme
                                                          vecteur de respect et de considération d’autrui, n’a semblé aussi pauvre et
                                                          insignifiante. Un tour d’horizon sur un site de réseaux sociaux tel que celui

                                                          de Facebook permet de se rendre compte de l’ampleur de la situation. Criti-
                                                          ques, dénigrements, agressions verbales, insultes et autres empoignades
                                                          pullulent et empoisonnent l’espace de cette Agora des temps modernes.
                                                          Caisse de résonance (bouche d’égout ?) de toutes les frustrations, de toutes
                                                          les psychoses et de tous les maux, Facebook tend à devenir un défouloir où
                                                          l’on s’agresse à longueur de commentaires. L’invective est portée au rang
                                                          d’art. A croire que ce que l’on a retenu de ces nouvelles technologies de l’in-
                                                          formation ce n’est que la faculté qu’elles nous offrent de s’agresser mutuel-
                                                          lement et d’entretenir des relations confl ictuelles à plus grande distance.
                                                          Cela, à l’image des cyber-polémiques nées du baiser de Nador, de la robe

                                                          d’Inzegane, du « Zine li fik » d’Ayouch, du déhanché de J.Lo et on en passe
                                                          et des meilleures. Toutes ces affaires ont pour point commun d’avoir donné
                                                          lieu à des séances d’hystéries collectives sur le net tournant rapidement au
                                                          pugilat entre pro et con. Loin d’avoir été un lieu où un débat constructif sur
                                                          des sujets de société brûlants aurait pu être initié, les réseaux sociaux n’ont

                                                          fait qu’alimenter le feu de la Fitna, amplifiant les clivages sociaux et allant
                                                          jusqu’à générer parfois des appels au meurtre. C’est un trouble manifeste à
                                                          l’ordre public. Un spectacle désolant pour notre société qui ne semble plus
                                                          avoir grand-chose à partager en commun. Heureusement qu’il reste quelques
                                                          éléments de cohésion qui continuent à nous unir. Celui de l’art en est un.
                                                          Transcendant les clivages, l’art sous toutes ses formes permet de réunir
                                                          et de rassembler, de se comprendre et de communier. Cela à l’image de la
                                                          musique dont on dit qu’elle adoucit les mœurs. C’est la raison pour laquelle
                                                          nous avons décidé dans ce numéro double de vous proposer
                                                          le meilleur de ce qui se fait aujourd’hui en la matière. Nous
                                                          espérons que vous en apprécierez le contenu.
                         Crédit photo :
                    Hassan Hajjaj & Elisa Motta           La rédaction
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