Page 3 - VH Magazine N°146 / Février 2016
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ETOILES FILANTES



                                                                      Imaginez James Dean à 80 ans ! Quelle carrière ? Peut-être
                                                                      à la Marlon Brando ? Avec des Oscars à la clef, des films

                                                                      sublimes pour la postérité, ou alors, il aurait viré de bord
                                                           pour devenir l’ombre de lui-même, un acteur à la gloire vite éteinte. Certains
                                                           diraient, mieux vaut alors partir tôt et devenir une légende. Ceci, James Dean
                                                           le savait, lui qui parfois se cachait dans des cercueils et disait à ses amis: « Die

                                                           young and make a beautiful corpse ». C’est le cas d’autres grandes figures,
                                                           habitées, hantées par la créativité, pressées de tout donner, et très vite. Jim
                                                           Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Bob Marley, Boujmii, Amine Demnati,
                                                           Houcine Slaoui, Rajae Belmilih et tant d’autres artistes marocains qui ont
                                                           été fauchés, jeunes. Mais c’est ce qui reste des disparus qui compte. Peu
                                                           importe le nombre d’années, comme Rimbaud, on peut écrire «Une saison
                                                           en enfer» avant d’avoir fêté ses 18 ans et mourir, brigand, malade, estropié.
                                                           On retiendra l’immense poète. Tout comme Schubert, mort à 28 ans, Mozart
                                                           à 35 ans, Lautréamont à 24 ans, Basquiat, plus près de nous ou Curt Cobain,
                                                           River Phoenix, Heath Ledger et d’autres. Et il y a ceux qui n’ont pas manqué
                                                           de génie, mais qu’on connaît moins, les grands jazzmen, Charlie Christian
                                                           et Clifford Brown, partis tous les deux, à 26 ans, le pianiste Michel Petruc-
                                                           ciani (35 ans), le saxophoniste Eric Dolphy et le bassiste «Jaco» Pastorius
                                                           (36 ans tous les deux). Sans oublier, l’oiseau, “Bird”, Charlie Parker, mort
                                                           à 35 ans. On peut aussi citer Évariste Galois, le génie des mathématiques
                                                           mort à 20 ans. Ou alors l’immense philosophe, Soren Kierkegaard, mort
                                                           à 42 ans. Toutes ces figures ont laissé un legs à l’humanité, chacun à sa

                                                           mesure. Musique, cinéma, photographie, peinture, sciences et philosophie,
                                                           mathématiques, physique, chimie… des grands passent en étoile filante sur

                                                           terre, juste le temps de donner ce qu’ils ont dans la besace et puis partir. La
                                                           postérité garde leurs noms. On s’inspire de leur génie. On commémore leur
                                                           grandeur. Et souvent on oublie leurs souffrances. Le génie et la créativité
                                                           impliquent d’immenses sacrifices. Des vies gachées pour l’art. Des destins

                                                           brisés pour créer. Des exisitences terribles pour apporter son grain de sel à
                                                           la grosse machinerie de l’humanité. Et souvent le rouleau compresseur des
                                                           jours écrase la vie, mais laisse la beauté au-delà des âges et du temps.
                                                           Et en face de ces noms, qui comptent par milliers, il ne faut pas se leurrer,
                                                           il y a d’autres qui vivent longtemps, sans jamais rien laisser derrière eux.
                                                           Des existences, des entités qui mangent et qui boivent et qui attendent la
                                                           gueuse, le plus tard possible, de préférence.
                                                           A chacun son destin et à chacun sa postérité. Celle des étoiles
                                                           filantes côtoie la voie lactée, navigue dans des sphères stel-

                                                           laires et illumine d’en haut des vies ici-bas.
                       Photo montage réalisé par
                           VH magazine                     La rédaction
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