Page 2 - VH Magazine N°89 - Juillet 2010
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De la géographie


                                                          du foot






                                                                      Est-ce le changement d’hémisphère ? C’est en tout cas toute
                                                                      la planète football qui a paru marcher sur la tête lors du
                                                                      premier tour d’une Coupe du monde qui a semblé totalement
                                                          déréglée. Conséquence de ce phénomène gravitationnel : les équipes sud-
                                                          américaines ont outrageusement dominé cette phase de groupes, tandis
                                                          que les formations européennes ont donné l’impression de tourner au
                                                          ralenti. Incapables de confirmer leur niveau théorique deux matchs d’affi lée,

                                                          paraissant fatigués, les favoris européens, de l’Espagne à l’Angleterre en
                                                          passant par l’Allemagne et l’Italie, ont été à la peine à des degrés divers. Et

                                                          que dire du spectacle affligeant donné par une équipe de France en crise de
                                                          nerfs collective qui a laissé derrière elle un champ de ruines ? Quant aux
                                                          équipes africaines, elles ont montré une nouvelle fois qu’elles disposaient
                                                          de footballeurs extrêmement talentueux du point de vue individuel mais,
                                                          selon les équipes, incapables de jouer ensemble ou de transformer en buts
                                                          les actions qu’ils se sont créés. Face au spectacle médiocre qu’il nous a
                                                          été donné de voir, les spécialistes du football désignent trois coupables :
                                                          Jabulani, le « ballon de supermarché » (dixit le gardien brésilien Julio Cesar)
                                                          « qui ne tourne pas » (selon Diego Maradona) ; le manque de préparation de
                                                          nombreuses équipes face aux variations d’altitude à répétitions, facteur qui
                                                          favorise évidemment les formations d’Amérique Latine ; la grosse fatigue des
                                                          stars des championnats européens qui, pour certaines, ont aligné soixante
                                                          matchs lors de la dernière saison.
                                                          Les sociologues, eux, voient dans ces performances et contre-performances

                                                          le reflet des sociétés dont ces équipes sont issues. Dans notre numéro

                                                          précédent, consacré à la Coupe du monde, le journaliste et fin observateur
                                                          du football Najib Salmi nous expliquait : « peut-être les équipes africaines
                                                          ne font-elles que reproduire le schéma qu’elles vivent politiquement,
                                                          socialement, culturellement et économiquement. Tu ne vas pas leur
                                                          demander d’être plus unies que leur pays ». Aujourd’hui, on constate que
                                                          l’analyse qui lie football et géopolitique vaut pour toutes les nations : une

                                                          Italie à bout de souffle, une Afrique du Sud conquérante mais inexpérimentée,
                                                          une France en dépression, un Ghana appliqué et bien organisé mais trop
                                                          timoré, une Angleterre convalescente, une Algérie au gros cœur mais un peu
                                                          « légère », une Argentine virevoltante, une Espagne fatiguée, un Brésil solide
                                                          et sûr de sa force… Et que de dire de ce Nigéria à l’immense potentiel, qui est
                                                          parvenu à perdre ses matchs tout seul en tirant avec constance

                                                          à côté de la cage adverse au terme d’actions magnifiques ?
                                Photo de couverture
                               prise à l’usine de Boeing   La rédaction
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