Page 25 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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De nos jours, il est permis de considérer la   ce domaine, les descendants du Prophète se
                                                      généalogie comme une branche de l’histoire   sont rendus célèbres par la préservation de
                                                      générale de chaque nation. Tout généalogiste   leurs réseaux de fi liation, ce qui les a amenés à
                                                      se doit de connaître l’historique des familles, tant   désigner, vers le 14e siècle de l’ère chrétienne,
                                                      celles qui ont cessé d’exister que celles qui se   (le 8e siècle de l’Hégire), un « Naqib », pour
                                                      sont dispersées à travers les tribus et les peuples.  chaque lignée chérifi enne, sorte de prévôt
                                                      A ce propos, les généalogistes arabes ont   chargé de constater, enregistrer et conserver
                                                      établi des classifi cations appropriées à ce vaste   les liens ascendants et descendants. Au
                                                      domaine et les ont ordonnées en sept entités de   Maroc, n’assumaient cette charge que des
                                                      repérage :                          lettrés, experts en généalogie chérifi enne,
                                                      » la première : « chaab », peuple, représentant  connus pour leur droiture exemplaire.
                                                      le plus lointain repère auquel appartiennent   Dans certains pays musulmans, ces « Naqibs »
                                                      les tribus ;                        percevaient un salaire régulier du trésor public
                                                      » la seconde, « qabila », tribu, subdivision du   (bit al mal). Dans l’Empire ottoman, le protocole
                                                      peuple ;                            les présentait aux cérémonies offi cielles avant
                                                      » la troisième, « imara », agglomération,   les dignitaires et autres hommes d’Etat, y
                                                      subdivision de la tribu ;           compris le Grand Vizir (le Premier Ministre) et
                CHRO                                                                    PAR MOHAMED BARGACH
                                                                                          le Cheihk-al-Islam.
                                                      » la quatrième, « batn », fraction, subdivision








                                                                                        Président de la Fédération marocaine de généalogie
                  NIQUE«











                  La généalogie étant la science dont l’objet est   de l’agglomération ;  Une telle considération était également en
                  la recherche de l’origine et des fi liations des   » la cinquième, « fakhd », groupe de   vigueur au Maroc, au temps de la dynastie des
                  familles, il est indispensable de remonter dans   fractions, subdivision de la fraction ;  Almoravides (11e siècle), de leurs successeurs
                  le temps pour imprégner les néophytes de   » la sixième, « achira », « fassila » ou clan,   les Almohades (12e et 13e siècles), des
                  quelques notions générales de cette science à   subdivision du groupe de fractions ;  Mérinides (14e et 15e siècles) et des Saadiens
                  travers les civilisations.          » la septième, « aïla », famille, subdivision du   (16e et une partie du 17e siècles). En raison
                  En effet, depuis la nuit des temps, l’homme s’est   clan.               des guerres fratricides pour sa succession,
                  préoccupé de sa fi liation généalogique. Depuis   A mesure que les fi liations remontaient à des   ce système s’est toutefois détérioré après la
                  que sur la planète Terre les diverses croyances   époques très anciennes. A mesure que les   mort du Sultan Ahmed Al-Mansour, le Saadien,
                  ont vu le jour, il fait remonter son ascendance à   liens de parenté s’espaçaient, les tribus se   en 1603. La charge du « Naqib » est tombée
                  Eve et Adam ou à d’autres ascendants.   transformaient en peuples, les agglomérations en   momentanément en désuétude, jusqu’à
                  Les anciens Grecs avaient accordé un intérêt   tribus, les familles en clans.  l’avènement du Sultan Moulay Ismaïl, en 1672,
                  tout particulier à leur fi liation qui les avait amenés   Depuis l’avènement de l’Islam, au début du 7e   qui lui a insuffl é une nouvelle vie.
                  à apprendre les généalogies successives de   siècle, les Arabes ont accordé une importance   Malheureusement, de nos jours, au Maroc,
                  leurs dieux, ainsi que l’enchaînement de leurs   toute particulière à la généalogie, en tant que   cette fonction ne conserve plus que le nom.
                  liens parentaux avec leurs divinités.  fondement solide formant la clé de voûte de   Comme il est composé d’Amazighs, d’Arabes,
                  Chez les Romains, la classe des patriciens   tout un ensemble d’apports et contributions à   d’Espagnols musulmans et juifs exclus d’Europe,
                  prétendait remonter à la plus haute et noble   travers diverses époques. D’ailleurs, en Arabie, la   de Nord-Africains, d’Africains, d’une communauté
                  caste humaine.                      plupart des tribus bédouines continuent encore   indochinoise venue s’y installer au début de
                  Pour les Hébreux, leur fi liation paternelle se   à mémoriser leurs lignées parentales, jusqu’à les   l’année 1972 et d’une population soussie, les
                  rattachait aux prophètes et autres patriarches. Ils   faire remonter au plus lointain ancêtre.  Aït-Baha, qui a des caractéristiques purement
                  se distinguaient des Grecs et des Romains par   Préserver soigneusement la fi liation des aïeux,   asiatique, il fallait, en octobre 2004, créer une
                  leur lien de descendance d’un ancêtre patriarcal   sans nul esprit de vantardise, de racisme ou   Fédération de Généalogie, la première du genre
                  commun.                             d’exclusion, était considéré comme une action   dans le monde arabo-musulman et africain à
                  Quant aux Arabes de la période ante islamique,   louable de solidarité et d’entraide. « Le but   avoir été admise, à l’unanimité, au sein de la
                  ils avaient aussi nourri un vif intérêt envers leur   recherché est bien plus fortement consistant que   Confédération Internationale de Généalogie et
                  fi liation généalogique.             la fi liation », le but étant l’esprit de piété. Dans   d’Hyraldique, le 23 août 2006.


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