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DOLCE VITA  I I  Coup de coeur





                                              KARIM SAIDI






                              L’INSTINCT




                              DE L’ACTEUR










                        KARIM SAÏDI FAIT PARTIE DE CES ACTEURS INSTINCTIFS QUI VONT AU FOND DES CHOSES ET PRENNENT
                        DES RISQUES. ACTEUR FOU, IL L’EST AUSSI DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS. UN PERSONNAGE
                        ATYPIQUE QUI S’ASSUME DE LA TÊTE AUX PIEDS.   PAR ABDELHAK NAJIB


                                ’est quoi la différence entre un acteur qui joue   Nine, 37 kilomètres Celsius, Tapette, Affaires étrangères,
                                et parfois se la joue, parce qu’il sur-joue et   Kandisha, Tu vas rire mais je te quitte… et d’autres opus
                                un autre qui vit son rôle comme une réalité   entre le Maroc, les USA et l’Europe, où il reste l’une des

                        Cqui puise en lui-même les ramifications et les   gueules les plus demandées. En parlant de gueule, il
                        sinuosités pour donner de la force et de la profondeur   en a une bien marquée. Par la vie, par l’amour, par les
                        à n’importe quel caractère que l’on doit camper pour   échecs, par les espoirs, par les rêves, par le doute et
                        peu que ce personnage soit bien écrit, bien travaillé et   surtout cette peur intérieure qui fait l’étoffe des grands.
                        surtout  sacrément complexe ?  La réponse est simple :   Ceux qui s’arrangent avec elle pour avancer, qui parfois
                        celui qui joue un rôle reste à la surface. Celui qui incarne,   lui font des pieds de nez et des fois tombent avant de
                        plonge dans les abysses et sort ses tripes. C’est le cas   finir par trouver la force de se relever pour aller explorer

                        de Karim Saïdi. Un acteur-né. Un homme d’une grande   d’autres territoires inconnus de soi. Karim Saïdi allie
                        complexité, mais un bonhomme simple aussi. Un gars   cette fragilité et cette puissance qui font les hommes
                        avec une vie en dents de scie, des hauts et beaucoup de   les plus sensibles. Un sens aigu de la famille. Un amour
                        bas, des coups, des blessures, des balafres, un passé dur,   incommensurable pour les siens. Sa relation avec sa

                        mais une capacité d’aimer et de donner de l’amour qui   magnifique maman, cette femme admirable à tous points
                        en fait l’un des acteurs marocains les plus attachants,   de vue, est si belle, si unique. Son rôle de père, il le vit
                        les plus sérieux aussi et surtout les plus profession-  à mille à l’heure avec tout ce qu’il faut de présence, de
                        nels. De son rôle avec Steven Spielberg dans Munich   soutien, d’accompagnement sans jamais être lourd ni
                        à son dernier rôle chez Hicham Hajji dans Redemption   omniprésent. Cet homme a l’intelligence d’avancer dans
                        Day, Karim Saïdi a eu le temps de peaufi ner son travail,   la vie à l’instinct, selon son cœur, sans calculs et sans
                        d’aller au bout de certains doutes, d’en trouver d’autres   faux-semblants. Ce qui ressort dans  son jeu, dans sa
                        pour garder vive cette lanterne qui luit toujours devant   manière d’être devant la caméra et ce pouvoir qu’il a
                        lui et lui éclaire un chemin à prendre, avec ses lignes   de crever l’écran juste en avançant de ce pas  à la fois
                        droites, ses voies de traverses, ses raccourcis et parfois   sûr et hésitant de celui qui sait que quand on va  sur le
                        ses culs de sac. Il joue également avec bonheur dans   chemin de la vie, il faut y mettre son cœur, ses viscères
                        ce bijou intitulé La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche   et beaucoup de doute pour arriver à quelque chose, qui

                        sans parler de ses personnages, tous incarnés avec   au final, n’est autre que soi. Et ce n’est jamais assuré.
                        justesse et mesure ou démesure. On l’a vu dans Road   Ceci aussi Karim Saïdi le sait.





                 104   VH magazine   Juillet & Août 2019
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