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DOLCE VITA I I Interview

gagné en inspiration et en maturité du fait
de mon exercice de médecin hospitalier. Car
l’art de soigner, de soulager la douleur, être
le réceptacle de la vulnérabilité humaine dans
ses diverses composantes, confèrent, à la
longue, un regard plus intense, plus profond
sur la vie et nombre d’interrogations surtout.
Votre diagnostic de médecin vous
aide-t-il à faire la bonne analyse de
la société où vous vivez?
Je n’ai pas cette prétention. Cependant,
être médecin y est certes pour quelque chose
da
dans la manière dont je traite
s
les thématiques que j’aborde.
le
C o
Construire des personnages
et
et tramer des intrigues requiè-
rent un sens de l’observation et
re
de l’analyse. On en trouve bien
de
en
entendu dans les métiers de la
sa
santé, mais pas que… Un très
g grand nombre d’auteurs font
une excellente analyse de la
u
s société dans leurs écrits sans
p
pour autant être médecins.
N
N’oublions pas que l’écriture
e est, avant tout, un fabuleux
exercice de liberté nourri de
e
la sensibilité de l’auteur, de ses convictions
et de ses expériences.
La femme est toujours présente
INTISSAR HADDIYA dans vos écrits, quelle place a-t- elle
aujourd’hui dans la société?
Je suis très sensible à la condition fémi-
L’INCONNUE nine, en l’occurrence celle de la femme
Marocaine. Certes, beaucoup de chemin a été
parcouru. Les femmes ont acquis un certain
nombre de droits, obtiennent de plus en plus
L’AUTEURE ET MÉDECIN MAROCAINE VIENT DE PUBLIER UN NOUVEAU ROMAN AUX de responsabilités et les assument aussi bien
EDITIONS ORION. UNE OCCASION DE S’ARRÊTER SUR L’APPROCHE HUMANISTE que les hommes. Les réussites au féminin
D’UNE THÉRAPEUTE DES MOTS. ENTRETIEN. PAR M.T. sont de plus en plus nombreuses. Toutefois,
aujourd’hui encore, ici et ailleurs, il persiste un
certain nombre d’insuffi sances. Des fi llettes
Parlez-nous de votre dernier roman qui sait garder la tête hors de l’eau en dépit qui n’ont pas accès à l’éducation, qui pourtant
L’inconnue ? de l’adversité absolue. est leur seule voie vers l’émancipation. Des
“L’inconnue” est un roman qui raconte travailleuses qui sont encore, trop souvent,
le mystère d’une rencontre inattendue Vous êtes médecin et auteure, moins bien payées que les hommes à poste
entre Layla, une veuve dont la vie bascule comment vivez-vous ce double égal, L’iniquité dans l’accès aux soins des fois…
violemment suite au décès de son époux regard sur la vie? Des injustices que je trouve, somme toute,
et Farah, un nourrisson abandonné qu’elle Vous savez la médecine, c’est ce rêve navrantes. Aussi, les femmes sont souvent
aimera farouchement et se battra pour en d’enfant que j’ai vu se concrétiser au prix dans l’ombre, cantonnées dans des rôles
faire son enfant. C’est un roman qui traite de beaucoup d’efforts et que je continue à sociaux restreints et ont moins facilement le
du pénible vécu des femmes en situation de vivre chaque jour comme un enchantement. privilège de s’exprimer et de porter leurs voix.
fragilité et des pressions sociales qu’elles Pour ce qui est de l’écriture, c’est une passion Partant de ce constat, j’essaie de raconter
subissent au quotidien… C’est aussi le récit qui m’a accompagnée depuis longtemps. Sa leurs histoires, mettre de la lumière sur leurs
d’une belle amitié judéo-musulmane qui dimension cathartique m’a toujours été d’une vécus, leurs contraintes, les pressions qu’elles
a débuté à l’enfance et résisté aux vicissi- précieuse aide aux moments les plus délicats. subissent. J’en fais souvent des personnages
tudes de la vie. Ce sont là, deux facettes de ma personne qui principaux, une manière, un tant soit peu de
Enfi n, je dirai que c’est un hommage à la sont indissociables. Deux passions qui se leur donner la parole et de contribuer à une
femme marocaine, courageuse et battante, complètent. Mon écriture a certes beaucoup prise de conscience quant à leur condition.

108 VH magazine Juillet & Août 2019