Page 45 - VH Magazine N°192 / OCTOBRE & NOVEMBRE 2021
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Harcèlement sexuel au maroc
la cité
de la peur
Nombreuses soNt celles qui oNt subi ou subisseNt tous les jours
les agressioNs sexuelles. coNscieNtes ou iNcoNscieNtes, visibles
ou vicieuses, les femmes Ne soNt pas à l’abri d’attouchemeNts, de
harcèlemeNt moral, sur leur lieu de travail, sur la voie publique,
daNs leur propre domicile. voici leurs histoires. Par Jihane BOUGRine
« J’ai été très touchée par l’his- s’est pas reconnue, quand elle s’est
toire de la jeune fille de Tanger qui rendu compte qu’elle subissait un
a été agressée par ces deux jeunes harcèlement moral et sexuel dans son
idiots qui ont osé la filmer» confie lieu de travail, l’endroit censé être le
Cherine, 37 ans, cadre dynamique plus sécure. « Je me suis sentie prise
qui se souvient d’une agression il y a au piège parce que quand on est fémi-
quelques années. « On lui a reproché niste, on se sent à l’abri de ce genre
de porter une petite robe sexy, qu’elle de choses. Mais non, » confie Imane
l’avait cherché. Moi j’étais en jogging qui a subi les avances de son mentor,
et en doudoune, très malade, j’allais un homme marié. «Ça a commencé
chez le médecin. Je me suis quand par de l’humour, un compliment par
même fait agresser». La jeune femme ci et par là, des demandes récurrentes
retirait de l’argent à un guichet quand de travail et puis des remarques sur
un jeune homme est venu derrière elle ma tenue, ça devenait pesant ». Si
pour lui tapoter la fesse. «J’étais telle- Imane commençait à comprendre ce
ment choquée, que ça m’a pris quel- qui se passait, elle avait du mal à le
ques minutes pour me rendre compte remettre à sa place. « J’ai douté de
de ce qui se passait », continue la moi-même, est-ce que j’interprétais
victime qui se met à crier et à le suivre mal les choses ? ll avait le double de
alors que l’agresseur marche d’un pas mon âge, me racontait son weekend
déterminé, presque trop zen. « J’étais avec ses enfants et sa femme avant de
hors de moi, tout le monde pensait switcher sur un compliment déplacé.
que j’étais folle. Il m’avait agressée C’était mon mentor. J’avais besoin de
et j’étais la folle », continue celle qui lui, je lui faisais confiance. J’ai senti
finira par rentrer chez elle pleurer que la situation n’était pas normale
et se cacher, au lieu d’aller chez son du fait que je n’étais plus moi, je suis
médecin. Une autre femme forte et devenue faible, je n’arrivais pas à le
déterminée s’est sentie affaiblie, ne remettre à sa place ».
Octobre - Novembre 2021 VH magazine 45