Page 58 - VH Magazine N°195 / NUMÉRO COLLECTOR
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Spécial Lions de l'Atlas





                 LARBI BEN BAREK

                 LA “PERLE NOIRE”









                 « Le plus grand hommage qui lui est rendu, c’est   Son arrivée métamorphose ce modeste club,


                 que les images de lui n’existent pas, affirme le   qui bat désormais tous les records d’affluence
                 journaliste Najib Salmi. Il ne reste que des témoi-  et monte en 1  division. Les années qui suivent
                                                                   ère
                 gnages et quelques images éparses. Pourtant, un   sont faites de haut et de bas, en club comme en
                 demi-siècle après, les gens lui vouent encore un   sélection. Si les foules adulent ce joueur spec-
                 véritable culte, en Espagne, en France… » Larbi   taculaire, les dirigeants français, sans doute pas
                 Ben Barek est né en 1914 ou 1917 à Casablanca.   exempts de racisme, lui mènent la vie dure. Si
                 Enfant, il passe chaque jour devant un terrain de   bien qu’en 1948, Ben Barek est transféré à l’Atle-
                 foot où s’affrontent ses camarades de classe,   tico Madrid. Il régale le public et offre à son club
                 dont un certain Marcel Cerdan. « Il cède à la   deux championnats consécutifs. Mais la France
                 petite balle de caoutchouc-mousse et débute,   lui manque et il saisit l’offre qui lui est faite de
                 curieusement entre des ‘poteaux’ formés par un   retourner à Marseille. Grâce à lui, l’OM atteint

                 pavé et une chéchia qui en a déjà vu de toutes   la finale de la Coupe de France qu’il perd en
                 les couleurs », racontera le journaliste Faouzi   même temps que Ben Barek fait ses adieux. Mais
                 Mahjoub. Il a 17 ans quand il                     lors d’un match de bienfaisance qui
                 intègre l’Ideal de Casablanca, un   SI JE SUIS    oppose l’équipe de France à une
                 modeste club de division II. Il est               sélection nord-africaine, après le
                 rapidement repéré par l’Union   LE ROI            tremblement de terre algérien, il est
                 Sportive Marocaine qui le recrute                 ovationné à chaque touche de balle.
                 en lui offrant, précise Mahjoub,    DU FOOTBALL,   Du coup, il est appelé dans le Onze
                 « un boulot de réparateur de                      tricolore qui affronte l’Allemagne
                 pompes à essence ». En avril 1937,   ALORS BEN BAREK  en octobre 1954. C’est alors que
                 Casablanca accueille l’équipe de                  se produit un accident musculaire

                 France « B ». La prestation de Ben    EN EST      qui met fin à sa carrière. Larbi Ben
                 Barek est telle que Jozsef Eisen-                 Barek entame alors une carrière
                 hoffer, l’entraîneur de l’Olympique    LE DIEU    d’entraîneur, sans grand succès. En
                 de Marseille, débarque à Casa                     1975, lors d’un match d’exhibition à
                 avec une offre chiffrée. L’affaire   A AFFIRMÉ LE ROI PELÉ  Paris, il prouve qu’il n’a rien perdu

                 est conclue un an plus tard. Sur                  de son toucher de balle. A la fin de la
                 les terrains français, sa technique « brésilienne »,   partie, il est porté en triomphe par la foule. Mais,
                 sa vivacité et ses dribbles donnent le tournis à   l’année suivante, après la mort de son épouse
                 ses adversaires. On le surnomme « La Perle   adorée, Louisette, il se mure dans la solitude et
                 Noire » et il connaît sa première sélection en   le chagrin. « Il s’est lui-même reclus de tous
                 équipe de France en décembre 1938.  En 1939,   dans son quartier de Derb Ghallef, raconte
                 la guerre éclate. Ben Barek rentre au pays et   Najib Salmi. Beaucoup de gens lui avaient piqué
                 reprend du service avec l’USM qui enlève le titre   ses trophées, ses photos, il ne recevait plus
                 quatre années de suite et remporte, en 1942,   personne. J’ai personnellement eu la chance de
                 la Coupe d’Afrique du Nord. La paix revenue,   l’interviewer. J’ai gardé le souvenir d’un homme
                 le Stade Français le sollicite. « Et par un matin   extrêmement affable, très pieux, respectant
                 pluvieux de novembre, il débarque à la gare de   les gens et demandant qu’on le respecte. Pelé,
                 Lyon coiffé de son fez. La presse de la capitale   quand il est venu ici, a eu l’élégance de lui dire
                 est sur le quai, au grand complet. Larbi a coûté   que, si la télévision avait existé du temps de Ben
                 au Stade un million de francs (chiffre record des   Barek, ç’aurait été lui le numéro un du football
                 transferts à l’époque) », raconte Faouzi Mahjoub.   mondial. »


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