Page 68 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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Le Maroc, une figure tutélaire africaine
                 Plus au sud de la Mauritanie, le                                                  nom de Ndiadiane Ndiaye, deviendra
                 Mali. Un pays actuellement plongé   Mosquée de Touba, au Sénégal, la plus         l’empereur de l’empire du Djolof et la

                 dans une telle déshérence de l’Etat   grande mosquée d’Afrique noire.             figure la plus importante de l’histoire

                 qu’Aqmi en a fait un fief djihadiste                                               du Sénégal. Mais le lien le plus
                 et wahhabite, détruisant au passage                                               puissant et le plus pérenne qui sera
                 des ribats séculaires et des zaouïas                                              tissé entre le Maroc et ses voisins
                 aux manuscrits inestimables livrés à                                              du sud du Sahara sera celui tissé

                 des autodafés sauvages. Le Mali a                                                 par les zaouïa soufis. Un lien que l’on
                 longtemps eu des relations étroites                                               doit à celui qui est considéré comme
                 avec le Maroc. Hachim rappelle que                                                l’introducteur de la voie Qadiriya en
                 le Pacha de Tombouktou dépendait                                                  Afrique Noire, Sidi Mohamed Kounti,
                 du Khalifa du sultan à Sijilmassa. De                                             chef de tribu et prédicateur religieux.
                 forts liens tribaux trans-sahariens                                               Une tariqa qui aujourd’hui encore, et
                 existaient également. Une famille                                                 contrairement au Maroc, est encore
                 comme celle des Benbarka, par                                                     très vivace dans un pays comme
                 exemple, y puise ses origines.   Quant au Sénégal, c’est le Sultan   conquit ce pays et y épousa une   le Sénégal puisque, selon les
                 Le frère de Souhaïl Benbarka,   Almohade, Abou-Bakr Ibn Omar,   princesse sénégalaise, Fatoumata   sondages réalisés au mois d’octobre
                 l’ancien directeur du Centre   ex-époux de la légendaire Zaynab   Sall. Avant d’être tué lors d’un   2012 par l’institut de recherche

                 Cinématographique Marocain, n’est-  Ennafzaouia, qui, après s’être   combat, Abou Bakr eut un fils avec   américain PEW,  92% des sondés

                 il pas l’actuel maire de Tombouctou ?   emparé de la capitale du Ghana,   Fatoumata. Ce dernier, qui portera le   sénégalais se disent soufis.



                  Les villes disparues
                  Beaucoup de noms de famille   L’Émirat                général à la solde des Fatimides   moins de dix kilomètres au nord
                  ou d’ethniques marocains font                         Messala ben Habbous Meknassi   de Meknès, la ville de Ouarzigha
                  référence à la ville d’origine de   de Nekkour        mit à sac la ville de Nekkour, dont   est citée par le géographe andalou
                  leur détenteur. C’est le cas des   Au nom de famille Nekkouri, Hachim   le roi est tué au combat, tandis que   El-Bakri sur la route entre Aghmat
                  Slaoui, Tangi, Sijelmassi, Marrachi,   renvoie dans son dictionnaire à   les princes se réfugièrent pour un   et Fès. La légende rapporte que ses
                  Tazi et autres. Mais lorsque ces   « celui qui est de Nekkour, nom   moment à Malaga, avant de revenir   habitants étaient d’origine byzantine.
                  villes d’origines ont disparu au   donné à une rivière, à un Royaume   dans leur État quelques mois après.   Disputée par les Meknassa et
                  point que l’on ne sait pas si   et à une ville médiévale du Rif. » La   C’est un siècle plus tard, sous le   par les Idrissides, la ville devint
                  elles ont véritablement existé,   fondation de Nekkour, considérée   règne des Sahariens almoravides,   un atelier de frappe de monnaies
                  ces noms de famille acquièrent   comme le premier État musulman   unificateurs du Maghreb et de   idrissides. Il est dit que sur lesdites

                  une nouvelle dimension : elles   du Maroc, est attribuée aux petit-fi ls   l’Andalousie, avec à leur tête   pièces de monnaie était frappé
                  deviennent la seule preuve   d’un émigrant yéménite, Saleh Ibn   Youssef ben Tachfine, que sonne   le nom de la « ville » d’Ouardigha


                  tangible que la ville dont ils sont   Mansour, compagnon de Oqba Ibn   définitivement le glas, en 1804, de   quand, à la même époque, celles

                  originaires ne relève pas du   Nafiî, qui a islamisé, selon la tradition,   l’Émirat de Nekour et de sa capitale.   de Fès indiquaient qu’elles avaient
                  mythe ou de la légende, mais   la population amazighe autochtone,   Seuls subsisteront, de façon   été frappées dans le « village » de
                  d’une réalité historique. Car   représentée essentiellement par les   marquante, quelques toponymes,   Fès. Hélas, Ouarzigha ne survivra
                  aussi invraisemblable que cela   Ghomara masmoudiens et par les   comme la plaine de Nekour et ses   pas aux attaques dévastatrices des
                  puisse paraître, beaucoup de   Sanhaja. Nekkour est fondée en   belles vallées, entre Imzouren et   Fatimides. Daniel Eustache rapporte
                  villes marocaines qui ont été des   809, une année après Fès, sur le   Al-Hoceïma, traversée par l’Oued   à ce titre : « la ville de Warziga fut
                  pôles importants de leur temps   territoire de la tribu Aït Ouariaghel,   du même nom. A trois cent mètres   prise en 324/935-6 et dévastée
                  ont subi des revers de fortune   comme le signale el-Bekri, lequel   de la côte, face à Al-Hoceïma, nous   par le général Fatimide Maysun qui
                  tels (cataclysme, guerres, ou   indique par ailleurs qu’une des   contemple, quant à elle, l’île de   fi t massacrer la population mâle et
                  simple abandon) qu’aujourd’hui,   portes de la cité était appelée «   Nekour, occupée en 1673 par les   réduisit les femmes en esclavage ».
                  on ne peut même pas, pour   Bab Béni Ouariaghel ». Placé sous   Espagnols qui la baptisent Penon
                  beaucoup d’entre elles, certifi er   la tutelle du califat omeyyade, le   de Alhucemas et qui l’administrent   Sawmaî (Day)
                  leur existence ni les situer avec   royaume de Nekkour occupait une   encore depuis la ville occupée de   Sous le nom de famille Sawmaî,
                  précision sur une carte. Ces   situation stratégique privilégiée   Mellilia ».   Hachim relate le destin d’une
                  villes de l’époque médiévale, de   au bord de la Méditerranée, riche             autre ville disparue d’importance
                  fondation musulmane, berbère   de son port maritime et de ses   Ouarzigha        dans l’histoire du Maroc. Celle
                  ou arabe, qui ont disparu,   ressources agricoles. Hachim   Sous le nom de famille Ouarzigh,   de Day qui, selon certaines
                  à jamais oubliées par tous,   poursuit : « Nekkour est attaquée et   Mouna Hachim revient sur cette   versions, correspondrait à celle
                  donnent à méditer sur combien   saccagée en 858 par les Normands,   ville médiévale aujourd’hui disparue   de Madinat Sawmaâ (identifi ée
                  seul l’éphémère dure. En voici   avant d’être reconstruite. Elle ne   et dont la simple évocation suscite   à Béni-Mellal). Zaouïa du grand
                  quelques-unes, évoquées par   tarde pas à subir les velléités de   chez les historiens un grand émoi   Cheikh mystique Sidi Ahmed
                  Mouna Hachim au titre des noms   domination des Fatimides chiites   et une grande tristesse, tant le   Sawmaï, dans la province de Tadla,
                  de familles de ceux qui en sont   d’Ifriqiya et essuie quelques   rayonnement civilisationnel de cette   sur cet emplacement serait située
                  originaires.               attaques. C’est ainsi qu’en 917, le   ville aura été important. Située à   cette ville ancienne dont les traces



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