Page 33 - VH Magazine N°189 - Mars & Avril 2021
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siècles. Il touche du doigt un endroit films pour des mauvaises raisons. Et
de notre humanité en se posant la je ne peux pas défendre un film pour
question des réfugiés et leur sort. les mauvaises raisons. Je préfère
Il m’a fait rentrer dans son univers refuser.
incroyable et m’a appris plein de
choses sur moi-même. Surtout le Est-ce que c’est le fait d’avoir un
fait de faire des choses pour soi et agent qui pose aussi problème
non pour les autres. Ce métier je au Maroc ?
le fais surtout pour moi, et non pas Ça a posé problème, oui. Mais pour
pour le regard de l’autre. Il s’agit de moi, avoir un agent c’est essentiel.
s’affranchir de ça. Ces 10% de salaire nous protègent.
il y a eu des envies Le texte est puissant. Comment Et puis de ne pas penser à la produc-
tion, mais à l’artistique. Au Maroc,
d’arrêter Quand apprend-on un texte aussi souvent les réalisateurs sont aussi
mon père est mort chargé ? producteurs. Et tout se mélange.
il y a 2 ans et demi. Je ne sais pas qui disait que les textes
bien écrits s’apprennent très vite. Est-ce qu’on va vous voir jouer
C’est organique. Les connexions se avec Younès Bouab, votre
font. Ce n’est pas forcément dans frère?
l’ordre de la logique, mais une fois le On a joué dans certaines séries,
chemin de la pensée emprunté, tout mais jamais ensemble. On travaille
suit. C’est un délice à apprendre. On ensemble pour les self tape. Je ne
a la chance de le jouer tous les soirs. sais pas ce que ça peut donner, ça
Contrairement au cinéma, où quand peut être bizarre ! (Rires). Mais j’ai
la scène est finie, c’est terminé. Les très envie. C’est un vrai bosseur et
textes de Simon restent avec moi- moi j’adore travailler !
même après la représentation. Il
m’arrive d’y penser avant de dormir Est-ce qu’il y a des envies
et de pleurer tout seul. Et je cherche d’arrêter ?
ça le lendemain, là où ça m’a touché, Oui, bien sûr. Mais pour les mauvaises
pour être le plus vrai possible. raisons. Il y a eu des envies d’arrêter
quand mon père est mort il y a 2 ans et
Et pourquoi ne vous voit-on pas demi. On commence ce métier parce
assez dans le cinéma marocain ? qu’il y a une envie d’être reconnu,
Le cinéma marocain, mon amour. d’audience autour de nous. Et nos
Je ne saurais pas le dire. Il est vrai parents sont notre première audi-
que j’ai refusé des choses. J’ai rêvé ence. Pourquoi continuer s’il n’est
de travailler avec certains. Il y a eu plus là pour regarder ? Je me suis
des réalisateurs comme Adil Fadili retrouvé sans ce public numéro 1. Il
où nous étions partis pour travailler fallait trouver un sens. J’ai mis mon
ensemble. Et le film prend du retard. nez de clown dans une petite boite,
Et j’ai des engagements ailleurs. Quel dans le cercueil de mon père. Ça
dommage ! Peut-être que certains raconte quelque chose. Et puis mes
sont frileux à l’idée de travailler avec amis m’ont éclairé. Arrêter non, mais
moi. Qu’ils pensent que je suis trop être plus sélectif peut-être. Mais je
inaccessible ou trop cher. Pas du tout. me suis rendu compte que je ne dois
Je viens de dire oui à un court métrage pas faire ce métier pour le regard de
d’un jeune réalisateur marocain très l’autre, mais pour moi. Je ne veux pas
talentueux. Je le faisais gratuitement, savoir si j’ai des amis proches ou de
car le projet m’a plu. A cause des la famille dans la salle. Je le fais pour
restrictions sanitaires, cela ne s’est moi. Voilà. Papa est parti, j’ai voulu
pas fait, mais j’avais envie. Et puis arrêter. Mais je vais continuer… pour
des fois, je trouve que l’on fait des moi et pour lui aussi.
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