Page 155 - VH Magazine N°195 / NUMÉRO COLLECTOR
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hossein taLLaL, les enfants handicapés, les clowns
Le narrateur de du cirque, réminiscence du cirque
L’indiCibLe Amar, bref, des personnages aux
Le parcours de l’Espace Expression regards tristes, perdus dans la
CDG nous donne à voir plus d’une nuit et la jungle urbaine, c’est un
quarantaine d’œuvres de Hosseïn personnage romanesque. Oiseau
Tallal, réunies et prêtées par des de nuit, amateur de «vieilleries»
Fondations et autres collections qu’il déniche au hasard de ses
privées. A scruter tableau après déambulations, n’est-il pas le
tableau, on est séduit et ébloui par fondateur du salon d’antiquité et
une palette unique et des théma- de brocante, dandy dont l’atelier a
tiques originales. Hosseïn Tallal reçu une infinité de personnalités
se revendique artiste universal- et d’artistes internationaux dont
iste et humaniste. Aucune trace de Moustaky, Jean Claude Brialy ou
marque identitaire, à la différence Claude Lelouch, il a fait d’Alif-ba,
de Chaïbia célébrant les quatre en compagnie de sa complice Rabia
saisons marocaines, aucune Laroussi, un havre de paix et un
anecdote. Un univers puisé dans salon réunissant artistes, critiques,
les lectures, Alain Edgar Po, dans marchands et journalistes.
le cinéma, le cirque, la musique, Il fut un ami. Un grand ami. A son
le monde de la nuit (hommage à décès, hélas tragique, je n’ai rien
Toulouse Lautrec) bref, un imag- était à l’abstraction. Il exposa à la pu écrire pour lui rendre hommage.
inaire flamboyant vacillant entre le galerie la Roue en 1967, en plein Les circonstances de sa mort, les
jour et la nuit, la réalité et le rêve, quartier latin de Paris, ainsi qu’à médisances, la danse macabre des
l’achevé et l’inachevé. Un monde la galerie Vercamer. vautours et autres charognards
qu’on ne peut saisir sans faire De retour au Maroc, avec l’envol m’avaient dégouté. Chaque fois
appel au vécu de l’artiste. Et la vie fulgurant de la carrière de Chaïbia, qu’on se voyait, il me parlait de
de Hossein fut un long fleuve d’une il se sacrifie pour s’occuper et gérer son désir de faire le pèlerinage à
intranquillité indicible. cette renommée. Hossein s’éclipse Zagora, patelin de son père, perdu
Dans les années 60, en compagnie pendant au moins 25 ans avant de à l’âge de quatre ans. Je lui avais
d’Ahmed Cherkaoui, il fait partie revenir avec des expositions d’une promis qu’on le ferait ensemble. Le
de la bohème artistique parisi- grande tenue au Mémo Art et à la destin on a décidé autrement. Tallal,
enne. Il fréquentait, entre autres galerie 38. je te promets, de mon vivant, de le
Serge Gainsbourg et tapotait sur Outre son œuvre, inclassable, célé- faire pour exaucer, à ma manière,
son piano du Eric Sati, la fille de brant, à sa manière les «marginaux», ton souhait.
Modigliani et autres écrivains et
critiques. C’étaient les années
Coupole et autres Closerie des
Lilas, lieux mythique de Montpar- Un beaU livre poUr le souvenir
nasse. Avant son départ pour la
France, il exposa au Salon d’Hiver En 2016, Hosseïn Tallal, avec le soutien du ministère de la Culture, avait
de Marrakech en 1965, organisé publié un beau livre retraçant sa vie. En grand format, sur pas moins de 234
pages, l’ouvrage réunit textes, illustrations, photographies et témoignages
par jacques Majorelle, et obtient le d’une infinité de critiques et journalistes.
premier prix. Le salon connaissait A l’occasion de l’exposition «Hosseïn Tallal, le narrateur de l’indicible», la
la participation de pas moins de 160 CDG, fidèle à sa tradition éditoriale, nous offre un très beau livre. En 153
artistes, en majorité européens. pages, il réunit des textes inédits et d’autres publiés. On y lit, avec plaisir,
On y dénombrait trois marocains, les contributions de Ghita Triki, Gérard Gassiot-Talabot, Denise Ex-Dyvorne, Alain Flamand, auteur
de Regar sur la peinture contemporaine au Maroc, Morad El Kadiri, joli texte en arabe et enfin le
Lahlou, Glaoui et Tallal. En artiste critique Mohamed Rachdi. Dans une conception, signée Younes Afsahi, on admire les illustrations entre
confirmé, il choisit «une nouvelle photographies et toiles…Une belle manière de sauvegarder l’exposition dans sa bibliothèque.
figuration» au moment où la mode
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