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CASABLANCA 1920 -1970 I I Histoire d’une ville
QUAND CASA, C’ÉTAIT L’AMÉRIQUE
QUAND CASA, C’ÉTAIT L’AMÉRIQUE
RETOUR SUR L’HISTOIRE D’UNE VILLE QUI, PAR SA MODERNITÉ ET SES PROMESSES DE RICHESSES ATTIRA, DU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE ET
JUSQU’À LA FIN DES ANNÉES 1960, DES POPULATIONS DE TOUT LE PAYS ET D’EUROPE À LA RECHERCHE D’UN AVENIR MEILLEUR.
commerçants musulmans, artisans
juifs venus bénéfi cier du régime
de protection des puissances
étrangères, négociants Européens,
surtout espagnols, français et alle-
mands. Si ceux-ci font construire
des maisons coquettes aux murs
chaulés aux côtés des belles
demeures des notables musulmans,
les nouveaux immigrants marocains
se logent tant bien que mal dans
des huttes de fortune. Quelques
lieux de cultes et bâtiments publics
existent. Parmi eux, les consulats
français, allemand, anglais et
espagnol, qui protègent les intérêts
commerciaux de leur pays.
LA PRISE DE
POUVOIR DES
MILITAIRES
Le Port et la rade bateaux.
« Casablanca ne tient pas ses principales et deux portes secon- système féodal rural et ces familles Cette population est attirée par
promesses. Ayant pénétré par l’une daires, un peu plus de la moitié étaient propriétaires de grands l’essor rapide du port, favorisée par
de ses quatre portes, on se trouve des 50 hectares sont construits, territoires. Soit elles avaient des des droits de douane normalisés
dans un dédale de rues étroites et l’autre moitié étant occupée par des relations avec le Mahzen, le pouvoir qui font que Casablanca éclipse
tortueuses bordées de maisons vergers, le quartier des Tnaker. central, soit avec des caïds locaux et progressivement les autres ports du
des familles régnantes. Il y avait de pays, devenant non seulement un
grands intérêts en jeu, notamment la carrefour d’échanges, mais aussi
Le Port en 1948.
production de la laine. Ces familles un lieu de stockage très important.
devaient donc avoir des protecteurs « Casablanca est au centre d’une
qu’elles trouvaient parmi les étran- région qui peut exporter un certain
Une rue de la Médina.
sans caractère, ni espagnoles On trouve très peu de constructions
ni mauresques, de misérables de l’autre côté des remparts qui
échoppes, des huttes en roseaux, reste une zone agricole. « Ces terres
de hangars où s’entassent les appartenaient à de grandes familles
grains, les peaux, les laines amenées marocaines, dont les membres se
de l’intérieur par les caravanes »: mariaient entre eux, affi rme l’archi- gers avec lesquels elles avaient des nombre de richesses, comme la
telle apparaît Casablanca en 1900 tecte Rachid Andaloussi. On dit que relations commerciales. Telle famille laine, le blé, etc. que les commerçant
au médecin Félix Weisgerber. Si leur sang coule dans les boulevards était protégée par l’Angleterre, telle viennent acheter, en même temps
l’ancienne Anfa est déjà le premier de la ville parce que leur nom est autre par la France… » qu’ils vendent des produits
port du Maroc, ce petit bourg celui des quartiers : Bouchentouf, La ville a alors une population manufacturés », explique l’architecte
fortifi é n’a aucun charme. Entre les Ben M’sick, Ben J’dia, Sidi Maârouf disparate : ruraux arrivés de tout le et co-fondatrice de l’association
remparts percés de quatre portes pour les Maâroufi … C’était un pays à la recherche d’un emploi, Casamémoire, Jacqueline Alluchon.
36 VH magazine Novembre 2011

