Page 72 - VH Magazine N°151 - Juillet 2016
P. 72

DOSSIER  I I  Les Marocains & le sexe





                  ❛❛  SOUMAYA AKAABOUNE , ACTRICE
                 SCHIZOPHRÉNIE AIGUË






                  P     me vient c’est celle du conte de
                        Pour moi la première vision qui
                        Shéhérazade, la femme intelli-
                 gente, cultivée, chaste et obéissante, qui doit
                 sauver sa tête, qui devient un chat siamois
                 doublé d’une hypnotiseuse, une amante
                 jusqu’au bout de la nuit, comme la décrit
                 Malek Chebel dans son article “Qui es-tu
                 Shéhérazade?”
                 Dans cette culture ou je suis ancrée, je me
                 rappelle des mots de ma douce mère : pour
                 que tu sois une femme accomplie, il faut que
                 tu saches cuisiner, garder ton foyer acueillant
                 et savoir entretenir ton mari toujours avec
                 patience et sourire. Il te reviendra toujours.
                 Le sexe au Maroc, pour moi c’est Presque un
                 mot tabou, quand un jeune garçon ne peut
                 pas se promener avec sa Chérie main dans
                 la main dans la rue sans se faire chahuter,
                 qu'une relation ne peut exister en dehors du
                 mariage, quand une jeune fille est repudiée si

                 elle n’est plus vierge avant de se marier? Que
                 l’on n’a pas la liberté de faire de son corps ce
                 que nous avons envie de faire?
                 Comment peut-on savoir qu’une union
                 peut fleurir si nous ne nous connaissons

                 pas et sommes, condamnés à la vivre parce
                 que la societé nous a obligés de passer à
                 l’acte de mariage pour passer à l’acte
                 charnel? Comment un jeune homme peut
                 connaitre ce que c’est une femme sans l’avoir
                 frequentée?
                 J’ai l’impression que nous vivons de nos
                 temps une schizophrénie aiguë, car nous
                 voyons sur nos écrans, nous lisons dans
                 nos livres des histoires d’amour possibles                                                        © Peter Rodger
                 mais dans le réel, nous n’y avons pas droit.
                 Ces frustrations font de nous des êtres très
                 confus, car nous n’avons pas le soutien de
                 la société, nous ne pouvons pas en discuter
                 avec nos parents, nous n’avons pas de repère,   besoin et un jeune homme qui pense qu’une   nous aimons vraiment l’être avec qui nous
                 pas d’éducation sur le sujet, donc nous ne   femme qui n’est pas vierge est une prostitué,  voulons avoir une relation, sans la pression
                 pouvons pas nous épanouir vers une société   a une vision trés distortionnée je pense.  Je   de la société ou de ce que l’on va dire, mais
                 qui sait aimer, apprécier un être pour ce qu’il   crois que de nos jours, nous devons éduquer   entre deux être libres de s’aimer.
                 est et non parce qu’il a gardé sa virginité   nos enfants, parler librement avec eux des   Nous avons un long chemin à faire de
                 jusqu’à ses trente ans. Un jeune homme qui   choix qu’ils peuvent faire, que l’amour n’est   tolérance envers les autres quels que soient
                 doit aller vers une prostitué pour sa première   pas le sexe et que l'on a le droit de choisir le   leurs choix, et rien n’est impossible quand
                 expérience sexuelle ou pour satisfaire un   moment où nous sommes en confi ance et   c’est avec amour sincère .


                 72   VH magazine   Juillet   2016
   67   68   69   70   71   72   73   74   75   76   77