Page 21 - VH Magazine N°187 - Novembre & Décembre 2020

resté calme et c’est lorsqu’une grenade sommes restés enfermés de 14h10 à y a eu de la démagogie. Est-ce que vous
est arrivée aux pieds de Habib Bour- 17h15. A un moment donné, vers 15h30, concevez l’arabisation du primaire sans
guiba Jr, et qu’il l’a repoussée avant la les tirs ont diminué et on a entendu les vous préoccuper des formateurs ?
déflagration, avec son pied, que le Roi moteurs des camions se mettre en
s’est levé et que nous l’avons suivi. Nous marche. Puis, ce fut le silence. On ne Comment Hassan II qui était,
sommes allés vers la salle du conseil où savait pas ce qui se passait. D’après dites-vous, si intelligent, si
étaient exposés les cadeaux. La salle les témoignages recueillis par la suite, visionnaire a pu laisser faire
était fermée et c’est Si Ahmed Senoussi une fois Medbouh abattu, Ababou avait cela ?
qui a cassé une vitre à l’aide d’une chaise. projeté, en premier lieu, d’aller occuper C’est sous la pression de l’Istiqlal.
Le général Medbouh est arrivé, le teint l’Etat-major, la radio et les points névral-
violacé. La bave entourait sa bouche. giques de la capitale. Il a donc appelé par Quelles sont, à votre avis,
Il s’est adressé au Roi en lui disant : leur nom les généraux de l’armée qui les perspectives de paix au
« je sais qui a fait le coup, c’est Ababou étaient étendus à plat ventre, les mains Sahara ?
d’Ahermoumou. Est-ce que Votre Majesté derrière la tête. Le premier appelé a été Nous avons commis plusieurs erreurs.
me permet d’aller négocier et est-ce le chef de la gendarmerie, le général Dans la foulée du succès de la Marche
que vous lui accorderez ‘Al Amane’ ? » Boulhimes. Il lui a annoncé que le régime verte, nous aurions dû organiser nous-
Sa Majesté a spontanément répondu : monarchique avait été aboli et qu’il fallait même un référendum. Nous avons fait
« si tu veux négocier, vas-y, mais pour le suivre. Boulhimes ayant refusé, il l’a l’erreur de ne pas entrer à El Bir Lahlou
‘Al Amane’ on verra plus tard ». Nous fusillé sur place, puis il a continué à parce que, si vous vous rappelez, en
sommes entrés dans la salle du conseil appeler les généraux. Ceux-ci, ayant 1975, il y avait 4.000 ou 5.000 soldats
et nous nous sommes dirigés vers les vu que Boulhimes avait été abattu, ont algériens encerclés là. C’est à ce
vestiaires. A ce moment-là, Medbouh probablement eu peur et ils l’ont suivi moment que tous les chefs d’Etat,
a fermé la porte à clef et a installé un à Rabat. Ils ont juste laissé quelques Houphouët-Boigny, Senghor, les rois
soldat en lui disant « personne n’entre soldats convaincus que le Roi avait pris d’Arabie, de Jordanie… sont intervenus.
ni ne sort de cet endroit ». la fuite. L’actuel président égyptien, Moubarak,
a fait quatre ou cinq voyages entre
Quel était l’état d’esprit de Quel bilan faites-vous de la Alger et Fès. Ils tenaient tous le même
Hassan II ? politique de Hassan II ? langage à Sa Majesté : « vous avez
Le Roi était choqué mais il gardait tout La politique des barrages a été un des gagné sur toute la ligne. Il faut sauve-
son calme et restait serein. La seule points les plus importants à mettre à garder la dignité de Boumédiène ».
chose qui l’inquiétait était le sort de son crédit. C’est pour cela que j’ai dit Hassan II a réuni tous les chefs de parti.
ses enfants, qui étaient au bord de la que Hassan II était un visionnaire. Bien Ils étaient tous d’accord pour retirer
piscine. Autour du Roi, y avait Driss sûr, ce sont surtout les nantis qui en nos troupes parce que notre armée
Slaoui, Balafrej, Senoussi, moi-même, ont profité le plus. Mais ça a créé une était mobilisée dans le Sud. Oujda, dans
deux Français, le docteur Benyich, le dynamique de travail et une améliora- le Nord n’était donc pas protégée et,
général Moulay Hafid et le général Oufkir. tion de la production qui profite à tous étant donné la folie des Algériens, on
Le général Oufkir a demandé à sortir en les Marocains. Sur le plan international, craignait qu’ils n’accèdent au Maroc
disant : « il faut que j’aille voir ce qui se il dégageait une aura que peu de chefs par là. Je me rappelle la Guerre des
passe ». Le Roi lui a dit : « tu te calmes, d’Etat avaient. Dans le domaine de l’édu- Sables, en 1963. Le général Driss ben
tu restes avec moi ». Est-ce qu’il pensait cation, en revanche, c’est l’échec total. Il Omar, le chef d’Etat-major, pouvait
à ce moment-là qu’il pouvait être dans continuer jusqu’à Tindouf. Il m’a dit
la conspiration ? Je n’en sais rien. Le : «quand je l’ai reçu le message de
docteur Benyich s’est proposé pour aller « Les premiers contacts stopper la progression en avant et de
voir les enfants. Il est sorti par la porte de entre Israéliens et retourner à la frontière, il m’est venu à
derrière, qui était ouverte. On l’a retrouvé l’idée de casser la radio ». Mais, a-t-il
mort, près de la piscine, et Medbouh Palestiniens se sont ajouté, « étant loyal, j’ai obéi ». J’ai
gisait à côté. Ce qui s’est passé, c’est déroulés ici, tout demandé à Hassan II, plus tard, pour-
que Medbouh était chargé par Ababou quoi nous avions fait demi-tour. Il m’a
de capturer le Roi. Il a rencontré Ababou, comme les premiers répondu : « on peut gagner provisoi-
après nous avoir quittés. D’après des contacts entre Hassan rement, mais je pense à mes succes-
témoins, Ababou lui a demandé où seurs. Je ne veux pas que les Algériens
était le Roi. Il lui a répondu qu’il s’était Touhami, le vice- fassent la guerre à mon fils et à mes
enfui par la plage. C’est à ce moment-là Président de Sadate, et petits-fils pour prendre leur revanche.
qu’Ababou a demandé à son garde du Moshé Dayan.» C’est pourquoi je préfère passer par la
corps, Akka, d’abattre Medbouh. Nous négociation ».

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