Page 67 - VH Magazine N°191 - Juillet - Septembre 2021
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Le cinéma a-t-il le pouvoir de
                                                                               changer les choses ?
                                                                               Le cinéma comme la musique, sont
                                                                               les arts populaires par excellence. Ils
                                                                               traversent les frontières là où elles
                                                                               sont souvent fermées. Si je pensais
                                                                               que le cinéma ne pouvait pas changer
                                                                               le monde, je ne ferai pas du cinéma.
                                                                               Quand on découvre l’autre à travers
                                                                               un film, une musique, quoi de plus
                                                                               beau ? Quel beau chemin vers l’alté-
                                                                               rité, je n’en connais pas d’autre.

                                                                               Est-ce que le scénario de « Haut et
                                                                               Fort » a changé entre l’écriture, le
                                                                               tournage et le montage ?
                                                                               Le  scénario  passe  son  temps
                                                                               à  changer.  Un  scénario  est  une
                                                                               matière mouvante. Les images sont
                                                                               une matière mouvante également.
                                                                               J’ai fait des films bien plus écrits
                                                                               que d’autres. C’est la première fois
                                                                               que je me permets un luxe énorme;
                                                                               c’est de tourner et monter, tourner et
                                                                               monter pendant trois ans. J’ai eu la
                                                                               chance d’avoir cette liberté. Ça a été
                                                                               extraordinaire. Cela me permet d’aller
                                                                               voir des choses que je n’avais pas ou
                                                                               que je n’avais pas vues. Les jeunes se
                                                                               transforment, grandissent, ils me font
                                                                               plus de propositions. Je retravaille à
                                                                               chaque fois par rapport au ressenti
                                                                               que j’ai eu au montage. J’avais envie
                                                                               de laisser la matière me parler.

                                                                               On a l’impression que ce film est
                                                                               le plus intimiste et accessible de
                                                                               vos films…
                                                                               Ce film est à cheval entre quelque
                                                                               chose de très intime, où je vais cher-
                                                                               cher les visages, l’intériorité parce
                                                                               que c’est ce qui m’émeut. Le pari,
                                                                               c’était de faire cohabiter le cinéma
            le rôle que la culture a, à jouer ?   doit mettre en priorité. Bien sûr que   naturaliste que j’aime et des scènes
            Si vous cimentez un peuple, lui donner  l’on doit savoir lire et écrire, mais   chantées, dansées qui représentent
            un sentiment de citoyenneté, et pas de  cela s’apprend vite. Le travail, c’est   un imaginaire plus travaillé. Il fallait
            citoyenneté de diverses catégories, il  d’apprendre aux jeunes d’où ils vien-  que ça fonctionne. Que ça s’enche-
            faut commencer par les fondamen-  nent. Les racines : amazighes, juives,   vêtre pour n’en faire qu’un. Ce film me
            taux. Mais leurs idées des fondamen-  africanité…l’Islam,  les  Arabes  qui   rappelle aussi l’enfance à Sarcelles
            taux n’est pas la même que la mienne  sont arrivés bien plus tard. Les âmes   où un centre culturel comme celui-là
            ou celles de beaucoup de gens. Les  s’éveillent et on bâtit un rêve collectif.   m’a surement permis d’être là parmi
            arts nous définissent. C’est ce qu’on  Sinon, on reste en surface.   vous…



                                                                            Juillet - Septembre 2021      VH magazine   67
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