Page 66 - VH Magazine N°191 - Juillet - Septembre 2021

dOssier I I Festival de Cannes 2021

NABIL AYOUCH

“Le fiLm montre une énergie

positive de cette jeunesse”

Que représente pour vous un inclut mon engagement sociétal, dans écouter, mais on ne les écoute pas
film en compétition officielle de la société civile à travers la Fondation pour de vrai. Ça me bouleverse, parce
Cannes ? Ali Zaoua. Ce film est encore plus lié que j’ai l’impression de me voir quand
C’est une édition particulière qui à ces engagements puisqu’il est né j’étais jeune. Il y a beaucoup d’émotion
marque une espèce de retour ou de d’une rencontre avec un gars génial qui transparait dans ce qu’ils disent.
renaissance. L’on se sent bien lorsqu’on qui s’appelle Anas. Il est venu nous voir On sent le vécu viscéral, organique.
apprend la nouvelle. D’abord, parce aux Etoiles de Sidi Moumen pour nous J’essaie de le protéger dans le film.
que c’est une première et c’est formi- dire qu’il voulait transmettre le Rap. Il Je leur laisse de l’espace, dans l’écri-
dable pour le pays et toute l’équipe avait décidé d’arrêter le Rap. En créant ture dans leurs textes pour que ce soit
qui a participé au film. Et parce que le un programme : le positif school de Hip leurs mots. J’avais envie d’intervenir
film attendait ça quelque part. Le film Hop qui inculquerait les valeurs posi- en tant que réalisateur. Mais je les
montre une énergie positive de cette tives de ce genre musical. Il est venu, laissais faire.
jeunesse. Un film dont le cri devait être il a mis en place ce programme il y a
entendu. Je ne voulais pas que ce cri 5-6 ans et il a eu un succès immédiat. Pourquoi ce besoin de diriger des
soit étouffé et sorte dans une période Je les ai observés au centre. Il y avait acteurs non professionnels ?
morose. des battle, des numéros de danse dans C’est extrêmement lié à la manière
le centre. Je les ai trouvés incroyables dont je travaille. En amont sur mes
Est-ce qu’un film a besoin d’avoir dans la façon de se raconter et de films. Cette démarche qui revient tout
un but social pour exister ? raconter le monde mais aussi intri- le temps, de creuser, de chercher, me
Ce qui est sûr, c’est que je n’ai jamais gants, dans le sens où assez vite je me permet de rencontrer des lieux et des
réussi à faire des films pour les suis demandé pourquoi ? D’où viennent personnes. A un moment, cela fait
mauvaises raisons. On m’envoie des ces paroles ? Ces textes. J’ai décidé de que je dessine les contours de ce que
scénarios régulièrement. Je ne peux m’asseoir avec eux un samedi après- va être ce film. Quand on passe des
faire des films que pour des vraies midi. Ce samedi après- midi a pesé années avec les vrais personnages du
raisons. Pour dire des choses qui sont lourd dans ce que j’ai appris sur la film, en tant que cinéaste je les intègre
importantes pour moi. Cela prend le vie. C’est là où j’ai décidé d’écrire une et je n’arrive plus à les enlever. Ils sont
temps que ça prend. Celui-là a pris 4 fiction basée sur leurs vies… indissociablement liés. Pour moi, cela
ans. C’est viscéralement lié à moi. A devient une évidence que de continuer
ce qui me touche, à ce qui me boule- Qu’est-ce que ce film vous a appris et prolonger le travail avec eux. Et ils
verse. Une fois que le film est terminé, sur vous ? ont un talent fou. Ce sont des acteurs
je n’en sors pas complètement, mais J’apprends d’Anas, j’apprends d’eux, de leurs vies, des acteurs avant tout.
tant mieux. Il s’ajoute à une étape j’ai l’impression que ce qu’ils ont à nous Ce pays regorge de talents.
supplémentaire dans un parcours qui transmettre est très précieux. J’ap-
me fait grandir. prends et j’entends. Les gens devraient Vos films sont surtout politiques.
Ce qui est sûr, c’est que mes films s’ins- plus entendre ce que cette jeunesse Pourquoi les politiques ne suivent
crivent dans une démarche globale qui a, à nous dire. On fait semblant de les pas et ne veulent pas comprendre

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