Page 52 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
P. 52

moines guerriers venus porter   que commence la longue exode   toujours en tant que combattants
                  Arabisation après
                  Si l’Islam s’est très vite répandu   le message divin au travers de   forcée qui les mènera du Najd   qu’ils s’introduisaient dans les
                  au Maghreb et en terre berbère,   ribats, l’arabisation est le fait d’une   jusqu’à la façade atlantique. En   luttes politiques à la recherche de
                  ce ne fut pas le cas de la langue   horde de véritables «desperados»   effet, cantonnés sur la rive droite   meilleures rétributions ». Comparés
                  arabe. En effet, bien que l’arabe,   lancés dans une « chevauchée   du Nil, en Égypte fatimide, à   à une nuée de sauterelles par
                  langue du Saint Coran révélé,   tumultueuse » vers l’ouest, des   cause de leurs exactions, ils sont   Ibn Khaldoun, ce dernier écrit,
                                             confi ns de l’Arabie jusqu’en   envoyés, à partir de 1050, par le   au sujet de leur comportement
                                             Afrique du Nord, à la conquête de   calife fatimide du Caire, châtier le   de prédateurs : « S’ils ont besoin
                 La chevauchée tumultueuse des Beni-Hilal.
                                             terres fertiles. Ils appartiennent   gouverneur de l’Ifriqiya (actuelle   de pierres pour servir d’appui à
                                             aux tribus Beni Hilal et Béni   Tunisie) pour sa rébellion. Une   leurs marmites, ils dégradent les
                                             Soleïm, des noms génériques   expédition qui permet au dit   bâtiments afi n de se les procurer.
                                             regroupant un ensemble de tribus   calife de se débarrasser dans   S’il leur faut du bois pour en faire
                                             bédouines telles les Zoghba,   la foulée de ces Bédouins   des fagots ou des mâts de tentes,
                                             Riah, Athbedj, Jochem, Beni   frondeurs. Une fois en Ifriqya, où   ils détruisent les toits des maisons
                                             Montafi k (dits Khlot), Rebiâ, ‘Addi.   ils raseront au passage la ville   pour en avoir... Ils sont toujours
                                             Cet épisode épique, qui porte   de Kairouan, causant la fuite   disposés à enlever de force le
                                             dans les chansons de geste le   des Kairouanais vers le Maroc,   bien d’autrui, à piller sans mesure
                                             nom de Taghriba, a lieu au 11e   Fès notamment (les Fihriyin sont   et sans retenue. Chaque fois
                                             siècle, soit quatre siècles après   une de ces familles aux origines   qu’ils posent leur regard sur un
                                             l’avènement de l’Islam. Certes,   de Kairouan), les Beni Hilal   ustensile quelconque, ils l’enlèvent
                  donc langue sacrée, qui ne   auparavant, le Maroc avait connu   seront, après leur défaite face   de force : sous leur domination
                  doit subir aucune altération et   des migrations de tribus arabes   aux sultans almohades, déportés   les ruines envahissent tout ».
                  qui ne peut par conséquent
                  être traduite, est indispensable
                  pour qui veut prononcer les
                  quelques phrases essentielles
                  d’adhésion à l’Islam, sa pratique
                  ne s’implantera durablement dans
                  un premier temps que dans les
                  zones urbanisées du Maghreb. La
                  langue arabe des premiers
                  siècles de l’Islam maghrébin fut
                  essentiellement citadine. Hachim
                  précise à ce sujet qu’« un certain
                  nombre de villes maghrébines,
                  surtout sur le littoral, ont conservé
                  une langue assez classique,
                  souvenir de cette première
                  arabisation, renforcée par l’afflux

                  des Andalous chassés d’Espagne
                  au XVe siècle, lesquels étaient
                  le plus souvent des Berbères   Les Béni-Hilal, des mercenaires à la solde du plus offrant.
                  totalement arabisés. L’arabe
                  citadin, classique, fut cependant
                  presque partout submergé par une   venues du Moyen-Orient. Au 1er   au Maroc pour combattre leurs   Les fi efs octroyés aux Hilaliens
                  autre forme plus populaire, rude et   siècle de l’Hégire, Mouna Hachim   ennemis, soumettre les tribus   se font sur la base d’actes de
                  mêlée de termes berbères ». C’est   cite les tribus yéménites des   berbères et faire le Djihad en   dotations (Iqtâ). Selon A. La-roui,
                  le 3aroubi. Cet arabe dialectal,   Azd, Madhij, Hamdane, Lakhm,   Andalousie. Puissantes tribus   « des actes de dotation de fi efs
                  lui-même très divers, est en fait à   Khajraj, Aws, Qodaâ desquelles   guerrières, les Beni Hilal tireront   furent distribués aux chefs hilaliens
                  l’image linguistique de l’arabisation   découlent d’innombrables familles   profi t de leur savoir-faire en la   par les Fatimides. Avec cette
                  du Maghreb. Il est issu de la   et tribus marocaines (dont les   matière en s’alliant tour à tour,   délégation de l’autorité politique,
                  langue bédouine introduite au XIIe   Béni Yaman chez les Mzab). Puis,   moyennant terres, richesses et   le Hilalien joue un rôle de chef
                  siècle par les tribus hilaliennes   aux 2e/8e siècle du calendrier   exonérations, aux différentes   politique, c’est à dire de parasite
                  car ce sont elles, en effet, qui ont   grégorien, c’est au tour des   dynasties berbères et arabes   décentralisateur... » L’arrivée
                  véritablement arabisé une grande   Maâqil, probablement de souche   régnantes sur le Maroc. C’est   des tribus bédouines en terre
                  partie des Berbères.       yéménite aussi, qui, en petit   ainsi que les Beni Hilal, dont font   berbère cause une migration des
                                             nombre, viennent au Maroc. Parmi   partie les Khlot, les Béni Jabir et   Berbères vers les montagnes,
                                             eux, on peut citer les patronymes   les Soufi ane, se sédentarisent   au point qu’un des patronymes
                  La chevauchée sauvage
                  des Bédouins arabes vers   Jirari, Mnebhi, Rhamna.    dans des régions telles que   berbères est devenu « Metalsi »,
                  le Maroc et l’arabisation   Pour les Beni Hilal et les Beni   Doukkala, la Chaouia ou le Haouz.   qui signifi e en berbère « couverte
                  du pays                    Souleïm, dernières tribus à se   A leur sujet, A. Laroui écrit dans   de, disparaissant sous ». Cette tribu
                  Si l’islamisation du Maroc est le   convertir à l’Islam, c’est du fait de   Histoire du Maghreb (éd.Maspe-  a reçu ce nom parce qu’elle aurait
                  fait de Berbères orientaux et de   leurs activités de brigandage aux   ro) : «  Ces Hilaliens de soldats   été jadis pleine d’étrangers, venus
                                             frontières de l’Irak et de la Syrie   devinrent pasteurs, mais c’est   en vainqueurs s’établir chez elle.



                                                                                              Novembre   2012    VH magazine   53
   47   48   49   50   51   52   53   54   55   56   57