Page 47 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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DOSSIER  I I  « Marocain, Chkoun N’ta? »



                  Le Maroc ante-islamique :
                  Zoroastrisme, judaïsme et chrétienté
                  AVANT DE DEVENIR TERRE D’ISLAM, LE MAROC A TOUR À TOUR ABRITÉ DES CULTES ZOROASTRIENS, JUIFS ET CHRÉTIENS.

                  Le zoroastrisme au Maroc                              sont celles relatives aux clivages   juifs et des séductions de la
                                                                                                  morale proposée par cette
                                                                        entre juifs espagnols et juifs
                  le culte du Dieu Mithra                               autochtones, désignés comme   religion ». Certes, « par la suite »,
                  Parmi les cultes des temps reculés   le cas des Maghoussi, sous le nom   « expulsés » et « résidents »   ajoute Sand, « dans un monde
                  en vigueur au Maroc, Hachim   desquels, Mouna Hachim écrit : « De   (megorashim et toshavim). Les   dominé par le christianisme
                  revient sur celui de Mithra, ce dieu   la tribu berbère, appelée Maghoussa   juifs du Maroc, sur la base du   puis/ou par l’Islam, les juifs
                  indo-iranien, fils d’Anahita, dont le   selon une forme arabisée. Le nom   « mythe d’une origine commune   ont renoncé à ce prosélytisme

                  culte connut son apogée à Rome   n’est pas sans nous rappeler le   et unique du peuple juif », ne   pour mieux préserver leur
                  aux IIe et IIIe siècles de notre   terme Maghouss, employé par les   reconnaissent donc pas la   religion. Néanmoins, les
                  ère. Culte païen contemporain du   Grecs après les guerres médiques   possibilité de conversion de   conversions se poursuivirent
                                                                        populations locales au judaïsme   dans certains cas, là où les
                                                                        mais considèrent que tous les   deux autres grandes religions
                                                                        juifs marocains, qu’ils soient   monothéistes n’avaient pas
                                                                        arabophones ou berberophones,   encore étendu leur emprise. Si
                                                                        ont la même origine ethno-  en Méditerranée orientale et en
                                                                        biologique située en Palestine.   Italie le nombre de judaïsants
                                                                        Leur présence au Maghreb serait   diminue dès le IIIe siècle, il
                                                                        le fait d’un exil massif, suite à   n’en est pas de même dans le
                                                                        une expulsion des populations   sud de la péninsule arabique
                                                                        juives de Palestine romaine   ou dans le Maghreb », ce
                                                                        entre 70 et 135. Des thèses   qui amène Schlomo Sand à
                                                                        récentes viennent contredire   avancer que « la plupart des
                                                                        fortement cette mythologie de   juifs séfarades descendent
                                                                        la pérennité d’un peuple juif et   de tribus arabes et berbères
                                                                        de l’importance généralement   d’Afrique du Nord converties
                                                                        accordée aux liens entre les juifs   au judaïsme et qui ont
                                                                        actuels et les habitants de la   participé à la conquête de
                                                                        Judée d’époque biblique. C’est   l’Espagne au VIIIe siècle.
                                                                        le cas de l’ouvrage de Shlomo    Au Maroc, l’étude du dictionnaire
                                                                        Sand, Comment le peuple juif   des patronymes de Mouna
                                                                        fut inventé, publié en 2008.
                                                                        Dans son livre, Sand affi rme que
                                         Sculpture du Dieu Mithra tuant le taureau.  les populations juives actuelles
                                                                        seraient majoritairement issues
                                                                        des populations converties au
                  christianisme primitif, le mithraïsme   pour désigner les Mog, sortes de   judaïsme à l’époque où celui-ci
                  met en scène le dieu Mithra qui,   devins et chamans voués au culte   était fortement prosélyte et non,
                  après s’être créé lui-même à partir   de Mithra, avant que le terme ne   comme l’affi rmaient les historiens
                  de la roche, a chassé le taureau,   rentre dans la littérature chrétienne   des siècles passés, que les
                  l’a rattrapé et tué. La tauroctonie,   avec un glissement de sens pour   populations juives actuelles
                  le sacrifice du taureau, serait à   désigner les mages et d’être   descendraient majoritairement

                  l’origine de la vie, le sang de l’animal   emprunté aux Arabes sous la forme   des Judéens qui auraient
                  fertilisant la terre. Culte à mystère,   Majouss. Les Maghoussa forment   émigré de Palestine lors d’un
                  le mithraïsme a ses sanctuaires à   une tribu d’origine berbère de la   exil provoqué par les Romains
                  l’intérieur de grottes naturelles. Au   branche des cultivateurs sédentaires   au premier siècle de l’ère
                  Maroc, on retrouve des traces de   Masmouda qui peuplaient le Maroc   chrétienne. Sand démontre, entre
                  cet ancien culte, tant physiques que   atlantique de Sebta, au Souss   autres, que « la spectaculaire    La thèse de Sand qui contredit
                  dans les patronymes de certaines   extrême, en dehors de quelques   expansion du judaïsme dans    le mythe du peuple juif.
                  tribus berbères masmouda. C’est   petites localités sanhajiennes ».  le bassin méditerranéen
                                                                        réside essentiellement dans   Hachim tend à confi rmer les
                                                                        le caractère prosélyte d’une   thèses de Shlomo Sand puisqu’on
                                                                        religion qu’embrassent de   retrouve des Berbères judaïsés,
                  Le judaïsme marocain                                  nombreux païens ». Autrement   des juifs arabes venus du
                  Il est diffi cile d’affi rmer   communautés juives marocaines   dit, si les populations du   Moyen-Orient dans le sillage
                  l’origine du judaïsme      elles-mêmes se revendiquent   pourtour méditerranéen ont   des conquêtes arabes, certains
                  marocain, tant la question   fermement comme descendants   embrassé spontanément la   s’installant au Maroc, d’autres en
                  est sujette à controverse et   des juifs de l’Ancien Israël. Les   religion juive, c’est « du fait   Andalousie puis au Maroc et enfi n
                  à instrumentalisation. Les   seules distinctions qu’on y trouve   d’une certaine volonté des   des juifs d’origine ashkenaze.



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