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CASABLANCA 1920 -1970 I I Ancienne Médina
Des enfants de la Médina jouant au football sur l’esplanade de la Sqala.
DES ENFANCES TURBULENTES
DES ENFANCES TURBULENTES
Turbulents, moqueurs, bagarreurs, pour sa part Albert Elmaleh. Nous Les instituteurs voulaient que l’on Abdelghani B. Le football occupe
tels étaient les enfants de l’ancienne déjeunions là-bas et nous y restions réussisse pour contribuer au dével- aussi une grande place dans la
Médina. Mais aussi généreux, jusqu’à 4 ou 5 heures de l’après- oppement de notre pays ». Abdel- vie des enfants de la Médina. Le
solidaires entre eux et curieux de midi. » Que ce soit à la medersa ou à ghani B. raconte que « les devoirs grand luxe, ce sont les vrais ballons
tout. Il est vrai qu’en retour, maîtres la synagogue, les punitions pleuvent : de mathématiques, c’est à même le de foot qu’on enduit de graisse
et parents avaient la main pour le coups de règle, pincements… les sol qu’on les faisait. On résolvait les chez le boucher afin que le cuir ne
moins leste. « Nous étions énormé- maîtres ne sont pas tendres. A sept opérations de multiplication et de s’abîme pas. « On jouait quartier
ment d’enfants, se souvient Brahim ans, les enfants rentrent à l’école division en les traçant sur le sable ». contre quartier sur l’esplanade de
Lamine, ça grouillait de partout. Il y primaire : écoles de quartier ou de Après l’école et durant les jours la Sqala, rapporte Aziz Chabine.
avait en moyenne 5 à 6 enfants par la ville nouvelle pour les musulmans, fériés, tout ce petit monde se Il y avait les équipes des quartiers
famille. Nous étions élevés dans la établissements de l’Alliance israé- retrouve dans la rue pour jouer. Derb Azemmour, Derb Bouchaib,
rue et, pour les mamans, tous les lite pour les juifs. « Nous allions à « Nous tirions des pneus, nous Jemaa El Chleuh, Safi , Bousbir,
prétextes étaient bons pour nous l’école des Loubavitch, boulevard prenions des planches auxquelles l’Impérial… Pendant le ramadan,
envoyer dehors. » Ziraoui, un établissement de 800 nous accrochions des roues et, toute la Médina venait nous voir. Il
Jusqu’à l’âge de sept ans, tous les enfants, explique Albert Elmaleh. Les à tour de rôle, chacun s’asseyait y avait jusqu’à 600 spectateurs !
enfants fréquentent des écoles classes étaient pleines. Il y avait trois dessus et se faisait tirer par un C’était une joie ! » Et bien sûr, il y
religieuses, coraniques pour les tournées dans le réfectoire pour autre », raconte Albert Elmaleh. Plus a les bagarres. « Quand on voulait
musulmans, talmudiques pour les nourrir tout le monde. » Si certains, prosaïquement encore, « on jouait se bagarrer, on allait à la Sqala
juifs. « On apprenait le Coran sur comme Abdellatif Lasri et Joseph aux osselets avec des cailloux ou parce qu’il y a une pente et qu’on
des ardoises », explique Abdeghani Oiknine, avouent avoir beaucoup avec les capsules La Cigogne », voulait se battre comme dans les
B. « Il y avait un rabbin qui nous séché les cours, Mohamed Vigon explique Brahim Lamine. « Parmi fi lms », explique Joseph Oiknine.
donnait des livres en hébreu qu’il se souvient, lui, qu’« à l’école, tout nos jeux préférés, il y avait le carré, « Je me rappelle d’un gars que
nous expliquait en arabe, raconte le monde étudiait sérieusement. le maréchal, la tirade... », se souvient l’on appelait ‘Far-West’ parce qu’il
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