Page 62 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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Où sont les femmes ?
                  LE RÔLE DES FEMMES DANS L’HISTOIRE DU MAROC ET LES TENTATIVES D’IJTIHAD EN MATIÈRE DE DROITS DES FEMMES.

                  Les Arabes ont transmis la                                                      des rivalités internes et aux visées
                  science de la généalogie à                                                      expansionnistes des Fatimides
                  l’Occident par le biais de l’Espagne                                            chiites d’Ifriqiya (Tunisie) d’un côté
                  andalouse. Mais cette forme de                                                  et des Omeyyades d’Andalousie
                  généalogie ne prenait pas en                                                    de l’autre. Aidés par les velléités
                  compte l’ascendance par les                                                     de domination du Berbère Moussa

                  femmes, puisque ces dernières                                                   ben Abi-l-Afiya, l’intervention des
                  ne transmettent pas le patronyme.                                               Fatimides se solde par l’expulsion
                  Pour autant, et comme le rapporte                                               des Idrissides de Fès en 315/927  .
                  le Dictionnaire des noms de famille                                             Ils se retranchèrent alors dans
                  du Maroc de Mouna Hachim, cela                                                  le Rif. Là les Idrissides créèrent
                  ne signifi e pas qu’il n’y ait pas eu                                            un petit État, suzerain au gré des
                  de femmes qui aient marqué notre                                                alliances du moment, soit des
                  histoire.                                                                       Fatimides soit des Ommeyades,
                  A commencer par Kenza l’Aou-                                                    avant qu’ils ne soient tous expulsés
                  rabienne, épouse d’Idriss Ier                                                   par les califes de Cordoue. Malgré
                  et mère de tous les Idrissides.                                                 un retour en grâce sous les
                  Cette Berbère aouraba zénète,                                                   Mérinides, qui leur permettent de
                  fi lle du chef de la première tribu                                              revenir dans la cité de leur ancêtre,
                  à prêter allégeance au Chérif                                                   les Idrissides ne pèseront plus sur
                  venu d’Orient, a non seulement                                                  les affaires de l’Etat. Leur aura
                  apporté dans sa dot les terres                                                  subsistera néanmoins jusqu’à nos
                  à partir desquelles il fondera                                                  jours avec leur statut de Chorfa
                  la première dynastie du Maroc                                                   honorés par le peuple et par
                  musulman, mais a aussi assuré                                                   les sultans. Le nom « Idrissi » à
                  la pérennité de cette dynastie                                                  proprement parler fut attribué à
                  aux débuts frêles et menacés. En                                                tous les descendants de la lignée
                  effet, Moulay Idriss, descendant du                                             des Idrissides. Ce fut le cas du
                  Prophète, est un fugitif traqué par                                             grand géographe et médecin El
                  les Abassides lorsqu’il arrive avec                                             Idrissi, brillant auteur d’ouvrages
                  son compagnon Râchid au Maroc   Souleiman ibn Jarir Achamakh,   contribuent à établir son autorité et   scientifi ques dédiés aux plantes
                  pour fuir le massacre de sa famille   qui réussit à empoisonner et   à conquérir de nouveaux territoires.   médicinales ou à la géographie
                  par ces derniers en 786. Accueilli   tuer l’Imam Idriss 1er, qui laisse   Le royaume s’agrandit à vue d’œil.   dont sont célèbre traité à tendance
                  et proclamé Imam par les Aouraba   Kenza enceinte de six mois. Trois   Le nouveau souverain agrandit Fès.   encyclopédique, Le livre de Roger,
                  dans la région de Walili, près de   mois après la mort du fondateur   En 814 (199 de l’Hégire), comme   qui lui valut les amitiés du roi de
                  Meknès, il prend pour épouse   de la dynastie Idrisside, Kenza   son père, il marche sur Tlemcen et   Sicile. Les Idrissi ont laissé de
                  Kenza. Durant trois ans, il consolide   donne naissance à un fi ls qu’elle   se marie avec une descendante   nombreuses lignées et de branches
                                             prénomme Idriss. Protégée par ses   du frère d’Idriss I, Souleyman le   dont, pour ne citer que quelques-
                                             oncles berbères et par Râshid, le   prince de Tlemcen. Il y séjourne   unes : les Amrani Jouti, El-Qaïtouni,
                                             fi dèle compagnon de son défunt   trois années et rebâtit la mosquée.   Alamiyin, Kettani, Oudghiri,

                                             mari, qui exercent une forme de   Berbères et Zenata sont soumis,   Maghloufi, Hammoumi, Ouriachi,
                                             régence conjointe, Kenza élève   le roi supprime le kharidjisme et   Badraoui, Ghemmassi, Jamali,
                                             son fi ls et le prépare à prendre la   se trouve à la tête d’un royaume   Ameziane, Sbaï,  Daoudi, Ghayti,
                                             succession de son père. A l’âge   qui s’étend de Souss El Aqsa   Hassar, Harghi, Hammoudites,
                                             de 11 ans, Idriss II accède au   jusqu’au Chélif. Haroun er-Rachid   Talebi, Chbihi, Faraji, Ghalibi, Tahiri,
                                             trône. Mais loin de s’appuyer sur   enrage. Idriss II meurt en 213/828   Yaâcoubi, Debbagh, Amraoui,
                                             les Berbères, il préfère le soutien   à l’âge de  36 ans. On soupçonne   Zbadi…
                                             des Arabes auxquels il fait appel.   un empoisonnement. Sous le   Autre fi gure légendaire féminine de
                                             En 808, il fait assassiner l’un des   patronyme « Idrissi », Mouna   l’histoire du Maroc, Zaynab
                                Monnaie Idrisside.  chefs berbères qui l’avait soutenu.   Hachim écrit : « Idriss II laisse   An-Nafzawiyya. Femme berbère
                                             Menacé et ne se sentant plus en   douze enfants mâles, dont huit sont   de pouvoir, Zaynab vécut aux
                  son pouvoir sur une partie de   sécurité à Walili (Volubilis), il rachète   désignés chacun par leur frère aîné   débuts du règne des Almoravides
                  l’actuel Maroc. Il conquiert la ville de   en 191/807 les terres de la tribu   Mohamed à la tête d’une province   qui étendront leur empire sur le
                  Tlemcen jusqu’alors sous contrôle   zénatienne des Beni Yazgha pour   du Royaume qu’ils administrent   Maroc, l’Algérie et l’Espagne. La
                  des Abassides. Le Calife Abasside   la somme de 2500 dirhams et y   en son nom, à la demande de   plus ancienne mention à son
                  Haroun Al-Rachid, furieux de ce   fonde la ville de Fès. Par la suite,   la grand-mère Kenza, les autres   propos se trouve dans un manuscrit
                  succès et craignant une expansion   Idriss II impose sa souveraineté sur   frères étant encore mineurs. Cette   du 12ème siècle intitulé Kitab
                  du royaume idrisside en direction   tout le Maghreb El Aqsa. Il forme   partition du royaume entre les fils   al-Istibsar, où il est écrit : « Durant

                  de son empire, décide d’envoyer   un corps d’élite de plus de cinq   d’Idris II contribue peu à peu à la   son temps, personne n’était doté
                  en 791 un serviteur assassin,   cents guerriers aguerris. Ceux-ci   division des Idrissides, en but à   d’autant de beauté, d’intelligence



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