Page 61 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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DOSSIER  I I  « Marocain, Chkoun N’ta? »

                  Larédo de Lérida en Catalogne ;   du Royaume de Grenade ; Ronda   Loubaris dérivé de Olivares ville   de Valencienne en Espagne, avant
                  Miyara, localité espagnole de Miara ;   de la ville de Ronda, à l’ouest de   de la province de Séville ; el Borj   de marquer l’histoire politique de
                  Mouline de Molina dans la province   Malaga ; Beni Doghm qui laissera   qui laissera son nom à quelques   l’Italie du 15e siècle. Parmi leurs
                  de Murcie ou de Molina-de-Aragon   son nom à la ville de Benidorm au   localités dont Borja (ou Borjia) en   personnalité de renom, les papes
                  dans la province de Guadalajara ;   nord de l’Espagne ; Medina qui   Espagne. Mouna Hachim signale   Alfonso Borgia et Roderic Llançoli
                  Mouyal de la province espagnole   laissera son nom à plusieurs villes   que Borja sera également le   de Borja, le seigneur italien de la
                  de Moya ; el Mandari- Mandri de la   dont Medina del Campo, Medina   berceau des fameux Borgia italiens,   Renaissance Cesar Borgia et  sa
                  forteresse d’Al-Manzar dépendant   del Rio Seco, Medina de las Torres;   dits initialement Borja, originaires   soeur, la sulfureuse Lucrèce Borgia...



                  La Reconquista               Plaza Poeta Abul-Beca à Ronda.                     année-là promulgue cette ultime
                  Le soleil se lève sur sur la                                                    loi d’infamie qui ne laisse guère de
                  « Plaza poeta Abul Beca » de la                                                 choix à des centaines de familles:
                  ville de Ronda en Andalousie.                                                   l’exil, ou la mort. Ce sera le cas
                  La brume matinale qui perle                                                     pour d’innombrables familles telles
                  sur les murs anciens et sur                                                     les Perez, les Merino, les Kilito, les
                  les pavés des venelles donne                                                    Molato, Palamino, Piro... Ils n’auront
                  un air enchanteur aux lieux. Et                                                 guère d’autres recours que de
                  l’on se laisse à rêver entendre                                                 prendre la mer. Et c’est ainsi que
                  les alexandrins d’un poème                                                      le Maroc voit arriver sur ses côtes
                  andalous, « Thrène de Séville »                                                 quelques 3000 Hornachéros et
                  écrit par Abul Beca ar-Rondi                                                    cinq mille Andalous qui trouveront
                  (1204-1285) considéré comme                                                     refuge, après autorisation du sultan
                  le dernier poète andalou et                                                     Moulay Zidane, qui à la Kasbah
                  auquel ladite place de la ville de                                              de Salé, qui à Tétouan, mai aussi

                  Ronda rend hommage en portant                                                   à Safi, Ksar Kebir, etc. De là, ces
                  son nom:                                                                        populations longtemps humiliées,
                  « Accomplie, toute chose
                  porte sa carence :           Exil des Morisques d’Espagne après l’édit d’expulsion de Philippe III.
                  La douceur de vivre ne doit
                  leurrer personne.
                  Tel que je vois, tout est affaire
                  d’alternance,
                  Comblé un instant, on en pâtit
                  l’éternité.
                  La vie ici-bas n’épargne
                  jamais personne,
                  Jamais rien ne demeure
                  longtemps inchangé.
                  Le temps lacère fatalement
                  tout bienfait,
                  Dès qu’on érige trop haut ses
                  moucharabiehs.»
                  L’utopie andalouse n’aura duré que
                  le temps d’une parenthèse fermée
                  dans la douleur et l’indignité pour
                  des populations qui vécurent en   Qouzmane, d’origine espagnole   des juifs convertis de force au   longtemps bafouées, se lancent
                  concordance, formant l’une des   dérivé de Guzman, « patronyme   christianisme avec les décrets des   rageusement dans une entreprise
                  plus grandes civilisations que la   partagé par les musulmans, les   Rois Catholiques après la chute de   de guerre. Ils n’ont de cesse que
                  planète ait jamais portées, celle   chrétiens et les juifs, il est attribué   l’Andalousie. » Ceux qui portent un   de chercher vengeance contre
                  d’Al-Andalus. Dès 1492, avec la   à des personnalités historiques   nom arabe le romanise. C’est le cas   les Ibères, notamment à travers

                  chute de Grenade, c’en est fini   de renom, toutes origines   par exemple pour les Khatib qui   l’équipement des navires pour
                  de la présence musulmane en   confondues ». Sous la menace   changent leur nom en « Jatib ». Puis,   la guerre de course. Beaucoup
                  Espagne, active pendant sept   de mort, on force les juifs puis les   vient le temps de la chasse aux   d’entre eux s’illustreront ainsi en
                  siècles. Le temps où juifs, chrétiens   musulmans à se convertir et à   sorcières. Bien qu’ayant abjuré leur   tant que corsaires lors d’épiques
                  et musulmans partageaient un   porter des noms chrétiens. C’est   foi et renoncé à tous leurs biens   expéditions contre les galions
                  destin commun est révolu. Les   le cas pour « le patronyme ‘Perez’,   et charges, malgré l’indignité et la   espagnols. C’est le cas du
                  patronymes qui, jadis, étaient   d’origine espagnole, dérivé du   stigmatisation, malgré les sévices   Raïs Ibrahim Vargach (Espagnol

                  fièrement portés toutes origines   nom de baptême Pierre assorti   et les humiliations, les derniers   ayant épousé la cause andalouse
                  confondues sont aujourd’hui   de la terminaison espagnole   Morisques se voient frappés en   et dont descend la famille r’batie

                  passibles d’échafaud. C’est le   ‘ez’ désignant la filiation. Il est   1609 d’un édit d’expulsion. En   Bargach), des Maâninou, Fennich,
                  cas ainsi pour le nom de famille   adopté par des musulmans et   effet, c’est Philippe III qui cette   Cortobi, Molato, Perez...


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