Page 65 - VH Magazine N°143 - Octobre 2015
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❛❛ Hicham Abkari, directeur du théâtre Mohammed V de Casablanca et musicologue.
“NOUS NE POUVONS MORALISER UNE GESTION
PUBLIQUE SI CELLE-CI RESTE CACHÉE ”
“ Parcourant les rues et places, le promeneur que je suis se prend informatique du terme) pour véhiculer des idées tronquées à des fins
parfois à vouloir repérer les forces institutionnelles présentes qui permet- électoralistes. Et c’est là où le bât blesse ! Les médias ne sont plus seule-
tent à nos villes de fonctionner, de vibrer. L’exercice n’est nullement aisé ment des outils de communication mais participent au renouvellement
pour le novice tant les dynamiques en présence offrent de l’espace public qui est la condition sine qua non d’une
un spectacle chaotique, à tel point que nombreux démocratie délibérative. Garder la main mise sur les
penseraient à l’absence pure et simple d’un système médias traditionnels de grande audience, c’est réduire
régulateur. Entre embouteillages monstres, habitat l’espace où le pluralisme de la société s’exprime, les
anarchique, délinquance galopante, s’immiscent idées se confrontent, les citoyens évoluent. Face à cette
réaménagement moderne de voies publiques, lance- regrettable situation, les urbains ont migré vers le
ment de chantiers d’amélioration du transport public, web comme nouvel espace d’expression. Cependant,
revalorisation du littoral pour les villes côtières. Après qu’en est-il du « Maroc profond », là où la connexion
avoir été dans une logique d’action par réaction est réduite, sinon nulle ! Cette réduction de l’espace
(donc le problème traité avait toujours une longueur d’expression ne se limite pas seulement aux médias,
d’avance, prenait « ses aises », « s’installait »), mais englobe aussi l’absence d’une politique culturelle
les pouvoirs publics, via leurs bras armés insti- locale permettant la mise à disposition d’infrastructures
tutionnels, ont opté pour une posture anticipative appropriées pour une interaction artiste/public. Nous
(urbanisme, délocalisation des sites industriels, ne pouvons moraliser une gestion publique si celle-ci
lutte contre la pollution…). Cependant, cette louable reste cachée, loin du regard du spectateur-électeur, si
attitude n’a pas été suivie par un devoir de communication idoine envers celle-ci ne se donne pas en « spectacle » ! Libérer l’expression (et donc
la population. La rétention de l’information et le verrouillage du système amender les textes coercitifs y afférents), c’est se pourvoir autant d’un
médiatique marocain n’ont pas permis au public de se faire une opinion outil essentiel à tout diagnostic de dysfonctionnement que d’un système
sur les avancées non négligeables en terme de gestion territoriale et ont de veille permettant aux citoyens de différentes sensibilités d’évoluer
favorisé certains discours politiciens qui ont utilisé cette « faille » (au sens sereinement dans l’espace commun. ”
Octobre 2015 VH magazine 65