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CASABLANCA 1920 -1970 I I Histoire d’une ville
UN ELDORADO NOMMÉ CASABLANCA
Casablanca s’avère conforme
aux promesses de Lyautey. Dans Le Théâtre municipal.
cette ville où tout reste à faire,
des fortunes se construisent en
quelques années. On peut suivre
les trajectoires sociales en fonction
du quartier ou type d’habitation.
Les musulmans passent ainsi des
bidonvilles à l’ancienne médina
avant de trouver des logements
plus confortables dans la nouvelle
médina ou en centre ville. Les
juifs habitent dans le mellah avant
de s’installer boulevard d’Anfa et
autour de la place de Verdun. Les
Européens vivent dans de petits casablancaise est hédoniste : elle sport automobile, des champs de prospérer, même ralentie. En
appartements avant d’édifi er des s’occupe beaucoup d’hygiène, de courses et des Arènes, avec revanche, la ville sera touchée
villas à Mers-Sultan, voire sur la de son corps, recherche tous les de grands spectacles et surtout par l’éclatement de la Seconde
colline d’Anfa. plaisirs qui sont plutôt ceux de la des corridas. Les Casablancais Guerre mondiale. Le rationnement
Pour ceux qui savent profi ter de modernité. Il n’y a pas de théâtre, travaillent beaucoup, sont touche particulièrement les
la générosité de Casablanca, ce de musées, de bibliothèques. Il n’y entrepreneurs dans l’âme : ce populations marocaines les plus
sont des années de labeur, mais a guère que l’Opéra Comique, rue sont des gens qui veulent faire de défavorisées. Aziz Chabine,
aussi de bonheur et d’insouciance. Hassan II. Dans la bourgeoisie, on l’argent et en profi ter. » patron de la Sqala, se souvient
« Les Casablancais sont très peut parler d’une vie sans soucis : La crise qui frappe les Etats-Unis que son père évoquait comme
tournés vers l’extérieur, d’autant on profi te de la vie en extérieur, et l’Europe au début des années une époque extrêmement diffi cile
qu’on est au bord de la mer, des fêtes… Il y a beaucoup de 1930 ne touche Casablanca l’année du bon, « 3am boun ».
raconte Jacqueline Alluchon. Les cabarets. D’où, dans les années qu’à la marge : les extensions Mais les privations ne durent
clubs de natation apparaissent 1930, la construction de très successives du port font que guère : dès 1942, les GI’s sont à
dès les années 20. La population grandes piscines, l’apparition du l’activité économique continue Casablanca.
LES GI’S SONT DANS LA VILLE
Le 8 novembre 1942, les le-feu lancé par l’amiral Darlan au
débarquent sur les côtes troisième jour du débarquement,
casablancaises et avec eux, une les soldats américains sillonnent la
bouffée d’air frais. « Les rues ville en distribuant avec largesse
Entrée d'un char américain dans Casablanca,
il passe devant la tour de l'horloge 1942.
moins recommandable : « Toutes et la présence des Américains
sortes de gens viennent de toute font qu’on a l’impression qu’on
l’Europe, pendant et juste après pourra, beaucoup plus vite qu’en
la guerre : certains qui n’ont plus Europe, travailler, faire du business.
rien, d’autres qui viennent blanchir La réputation de Casablanca à
leur argent…, explique Jacqueline cette époque-là est celle d’une
grouillent d’uniformes, raconte Tito tracts, chewing-gums, chocolats Alluchon. Il y avait des personnes espèce de plaque tournante de
Topin dans Les Enfants perdus ou cigarettes Raleigh afi n de se qui voulaient commencer une toutes sortes de gens. Nombre de
de Casablanca. Marines, rangers, faire adopter par la population. » nouvelle vie, comme mes grands- romans policiers et de fi lms ont été
fantassins, GI’s, fusiliers marins, Casablanca libérée devient parents, des réfugiés d’un faits dans les années suivante sur
matelots, tankistes, pilotes de rapidement un havre pour des peu partout, sans doute aussi cette époque, dont Casablanca et
chasse. Depuis l’ordre de cessez- réfugiés, mais aussi une faune d’anciens nazis... Le plan Marshall La Môme vert-de-gris. »
42 VH magazine Novembre 2011

