Page 56 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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zaouïas réputée en tant que telle fut la prolifération des famines et des
celle du Cheikh mystique, Abi Salih épidémies, les zaouïas, à travers
El-Majiri, près de Safi, au 7e siècle. l’immense réseau jazoulite, héritier
Elle fut relayée par un ensemble de la Chadiliya, fit de la guerre
de zaouïas d’obédience Chadiliya, sainte contre l’occupant étranger
créant peu à peu, un vaste réseau son principal moteur. Les chefs
confrérique aux quatre coins du des zaouïas, espèce d’aristocratie
Royaume, dans ses villes policées religieuse, formée généralement
comme dans ses modestes villages par des Chorfa lettrés, haranguaient
et jusque dans les campagnes ainsi les foules et les appelaient à la
les plus reculées. Aux 15e et guerre sainte qu’ils organisaient par
16e siècles, avec la conjonction le recrutement des moudjahidines
de plusieurs facteurs tels que la et par la préparation des opérations
chute de l’Andalousie, l’occupation militaires. Dès cette date, les
par les Espagnols et par les zaouïas, au-delà de leur caractère
La zaouïa du cheikh mystique Abi Salih El-Majiri, l’une Portugais des villes marocaines religieux, commencèrent à jouer
des premières zaouïas marocaines datant du 7e siècle.
littorales, la décadence des derniers plusieurs rôles à la fois politique,
sultans mérinides et wattassides, économique, social et culturel. »
La Hiba des zaouïa
Certes, pour pouvoir jouer ces loin les frontières de leur région, ils ont été apôtres de Jésus avant dernier, l’Islam lorsque le Prophète
rôles et asseoir leur autorité tient au fait que, selon la légende, d’épouser, sur prédiction de ce Sidna Mohammed se manifesta en
auprès du plus grand nombre, les Arabie. Toujours selon la légende,
zaouïas puisent aussi leur légitimité ils se rendirent à la péninsule
dans la « hiba ». Un terme que le Les Regraga durant leur tournée qui féconde les terres. arabique prêter allégéance au
sociologue Abdelkader Mana, dans Prophète qui les reçut et leur parla
son ouvrage Les Regraga, lie à dans leur langue, en berbère.
l’exploit magique. Cela s’expliquant C’est dire que sur la base d’une
par le fait que l’Islam est une telle légende, les Regraga
religion syncrétique. C’est ainsi jouirent d’un grand pouvoir
que nous retrouvons par exemple auprès des populations, au point
cette hiba dans la confrérie des que leur descendance s’attribua
Regraga, de souche berbère haha le titre de Chorfa, profi tant de
dans la région d’Essaouira, dont la ce privilège pour être exemptée
célèbre tournée printanière (daour) d’impôts et ne tarda pas à
féconde les terres. L’immense en recevoir pour leur compte
aura des sept hommes originels DR. (sous forme d’offrandes,
de cette confrérie, qui dépasse de ziara). Erigés en « faiseurs de
miracles », les Regraga étaient
Offrandes aux saints regraga. aussi respectés que craints car
ils pouvaient autant exhaucer
les vœux que jeter des sorts.
L’une des légendes à leur pro-
pos concerne leur pouvoir de
détruire les djinns. La voici telle
que la rapporte Abdelkader
Mana au sujet d’un des
leurs: « Il a conquis par la guerre
sainte six villes du Soudan. Il
avait un cheval blanc sans bride,
qu’il dirigeait comme il voulait.
Il a amené les Arabes depuis
la Mecque pour combattre
les Romains et conquérir le
Sénégal. Un jour qu’il était
assis, un Arabe du désert vint
se plaindre et pleurer. Le saint
lui dit : ‘Qu’est ce qui te fait
pleurer ?’. L’autre répondit : ‘J’ai
« Dieu a crée les Prophètes en Orient et les marabouts au Maghreb. Les Regraga étaient des combattants une femme jeune et belle ; un
de la foi : après avoir soumis les tribus berbères, ils désignèrent un marabout à la tête de chacune d’elles. » (Regraga) DR. démon me l’a volée et je ne sais
comment la retrouver’.
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