Page 45 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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DOSSIER  I I  « Marocain, Chkoun N’ta? »



                  Au commencement était les amazigh
                  Aussi loin que l’on puisse   à la Libye actuelle après avoir   Le territoire historique des   fl eurissent en ces lieux : Taroudant,
                  remonter dans l’histoire du   désigné toute l’Afrique du nord).   Masmouda, à savoir la vallée du   Lmassa, Tiznit, Agadir, Igherm,
                  Maroc, les premières populations   Le nom « Berbères » donné   Souss, l’Anti-Atlas et le Haut Atlas   Tafraout...
                  à y être recensées sont celles   par les Arabes est aujourd’hui   Occidental, correspond à l’actuelle   Exemples de patronymes
                  des Berbères.  Mais parmi   récusé par les berbérophones   aire du parler tachelhit, en dehors   berbères masmouda :
                  ces derniers, tous ne sont pas   qui lui préfèrent, en raison de son   de certaines enclaves bédouines   Akhenouch, Aâttar, Achahboune,
                                                                        comme Taroudant. Il est dit aussi   Achelhi, Achtouk, Ademsir,
                                                 Territoire berbère s’étendant de   tassousist, par différenciation avec   Adouz, Afoulous, Aghmati,
                                                 la façade atlantique à la partie   les deux autres principaux groupes   Agmari, Aït Mzal, Bouab,
                                                 occidentale de la vallée du Nil.  linguistiques au Maroc que sont le   Dghoughi, Ghomari, Mzoudi,
                                                                        tarifi t et le tamazight. Plusieurs cités   Ajzoul …


                                                                        Les Sanhaja, Les nomades chameliers
                                                                        au visage voilé
                                                                        La deuxième branche berbère   des montagnes de l’Atlas
                                                                        recensée par Ibn Khaldoun   jusqu’aux rives du fl euve Sénégal
                  originaires du Maroc même. A   acception historique péjorative,   est celle des Sanhaja.   auxquels ils donnèrent d’ailleurs
                  ce sujet, Mouna Hachim écrit   celui d’« Amazigh » (homme libre).   Historiquement, rappelle Mouna   leur nom ». A ce titre, Mouna
                  dans son Dictionnaire des noms   Au Maroc, une mosaïque de   Hachim, « les Sanhaja peuplaient   Hachim précise que « quand
                  de famille du Maroc : « Habitant   trois grandes branches berbères   le Maghreb depuis l’océan   on prend les Sanhaja, leur nom
                  un large territoire s’étendant de   principales aux sous-branches   Atlantique jusqu’à l’Oasis de   initial est Zenaga, les Zenaguen.
                  la partie occidentale de la vallée   multiples constituent la population   Ghadamès en Libye, formant   Sanhaja n’est qu’une déformation
                  du Nil jusqu’à l’Atlantique et de   de souche du pays.  En effet,   pas moins de soixante-dix   arabisée de Zenaga (d’où
                  la Méditerranée jusqu’au sud du   selon  le grand Ibn Khaldoun,
                  Niger, les Berbères sont connus   précurseur de la sociologie
                  sous différents noms depuis   moderne, dans son livre Kitab
                  l’antiquité pharaonique. Ils sont   al-ibar, les populations berbères
                  ainsi appelés, selon leur tribu,   du Maroc se composent des
                  Tehenu, Temehu, Mashawash, Libu   Masmouda, des Senhaja et des
                  (nom qui donne son appellation   Zenatas.



                  Les Masmouda, marocains de souche
                  Les Masmouda représentent la   de Sebta au Souss extrême, à
                  plus authentique tribu berbère   l’exception de quelques petites
                  marocaine de par l’ancienneté de   enclaves sanhajiennes.  Parmi les
                  sa présence au Maroc. Cultivateurs   tribus masmoudiennes regroupées
                  sédentaires, ils vivaient notamment   en confédération, on peut citer
                  dans le Haut-Atlas et les régions   les Bergouata, les Gomaras,
                                             les Masmouda proprements
                                             dits (qui se subdivisent en deux   Les Senhaja, grands nomades du désert.
                                             groupes : les Masmouda de la
                                             montagne (Ourika, Hazmira…)   tribus, ce qui en faisait de loin le   provient le nom de Sénégal)
                                             et les Masmouda de la plaine,   groupe berbère le plus important,   et dont la racine est ‘znag’ qui
                                             tels les Doukkala ou les Regraga   presque le tiers de tous les   signifi e ‘de couleur rouge-brun’.
                                             dont les moines guerriers sont   Berbères, et dont le parcours du   D’ailleurs, au Maroc, on en a
                                             considérés comme les premiers   territoire nécessitait au moins six   gardé l’expression ‘mzanneg’,
                                             islamisateurs des Berbères   mois de marche. Au Maroc, deux   ce qui veut dire quelque chose
                                             et chantres de l’orthodoxie ).   principaux groupes sanhaja sont   comme ‘cramoisi’, en rapport
                                             Submergés par les Zénata au   distingués géographiquement :   avec la couleur de peau de cette
                                             3e/9e siècle, les Masmouda se   les Sanhaja du Sud ou « Sanhaja   tribu. On retrouve ces Sanhaja,
                                             retirèrent dans les montagnes de   de la Qibla », résidant dans le   qui étaient des conducteurs de
                   Le territoire des Masmouda de l’Atlas.
                                             l’Atlas puis subirent la poussée des   versant sud de l’Atlas (Dadès,   chars, jusqu’au Yémen, c’est
                                             Almoravides, avant de fonder en   Mgouna, Todhga, Ferkla, Ghris)   dire que la notion de frontières
                  qui l’entourent. Plus précisément,   1130, sous l’inspiration du chef   et les Sanhaja du Nord, dits   n’existait pas à l’époque. » « Pro-
                  dans le cercle d’Imine-Tanout,   Masmoudien Mehdi ben Toumert,   « Sanhaja de l’ombre » (les Aït   ches des Touaregs, les Sanhaja
                  tribu d’Amensir, à mi-chemin   issu des montagnes du Haut-Atlas,   Oumalou en parler berbère).   étaient connus pour leur voile
                  entre Agadir et Marrakech. On   l’empire Almouahidin unifi cateur du   Grands nomades chameliers, les   qui ne laissait voir que leurs
                  les retrouve donc dans le Rif et   Maghreb et de l’Andalousie jusqu’à   Sanhaja du Sud nomadisaient   yeux, d’où leur autre nom d’El
                  tout au long du Maroc atlantique   sa chute en 1269.    plusieurs siècles avant l’Islam   Moulathimoun (les Voilés).



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