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CASABLANCA 1920 -1970 I I  Piscines


                                                             SPORT &
                                                                                        FARNIENTE
                       A

                    L
                    LA CORNICHE, SPORT & FARNIENTE
                             CORNICHE,
                       INHOSPITALIÈRE ET DANGEREUSE AU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE, AÏN DIAB DEVIENT PROGRESSIVEMENT LE CENTRE DES LOISIRS
                          ET DE L’ANIMATION À CASABLANCA. DU LIDO AUX MISS TAHITI, HISTOIRE D’UN DES LIEUX SYMBOLIQUES DE LA VILLE.

                         partir du débarquement
                         français de 1907, l’arrivée
                         de nombreux Européens
                         avides de plaisirs balnéaires
                         c
                 A hange la perception
                 que la population casablancaise a de
                 l’océan. « Les Marocains étaient des
                 terriens et l’océan leur faisait peur. On
                 disait que la mer ‘ emmenait’ », explique
                 Brahim Lamine, ancien habitant de
                 la Médina. Les baigneurs, les femmes
                 européennes en toilettes claires et les
                 hommes en pantalon blanc, coiffés
                 d’un canotier, se retrouvent sur la
                 « belle plage » de Sidi Belyout.
                 « L’existence de cette plage est effacée
                 aujourd’hui de la mémoire collective
                 des Casablancais (…). Fréquentée par
                 les Européens, ‘jalonnée de cabanes
                 et de guinguettes’, la plage est alors le
                 principal lieu de rencontres et de loisir
                 de la colonie européenne en été »,
                 décrivent Monique Eleb et Jean-Louis
                 Cohen dans Casablanca – Mythes et    La « belle plage » de Sidi Belyout en 1913.
                 fi gures d’une aventure urbaine.
                 La construction du port sonnera le
                 glas de la « belle plage ». Mais d’autres
                                                     «
                                                                                                              »
                                                LA
                                                        PLUS GRANDE PISCINE D’AFRIQUE
                 ont pris le relais : celles du quartier de   LA « PLUS GRANDE PISCINE D’AFRIQUE »
                 la TSF, des Roches Noires et d’Aïn
                 Sebaa.  Bordée de guinguettes, de   Albert Laprade ne manque pas   est devenu l’une des principales   1933. Construit par l’architecte
                 dancings et de restaurants, celle-ci   d’idées. Dès 1920, « il imagine   préoccupations des Européens   George Renaudin sur des
                 « devient un lieu de villégiature apprécié   un quartier de villégiature   de Casablanca. C’est ainsi que   piliers de béton, il présente un
                 des classes populaires françaises   calqué sur la Riviera, avec une   germe l’idée de construire des   look futuriste qui en fait l’une des
                 des environs. Espagnols et Italiens   ‘promenade de la Croisette’, un   piscines. La première est celle   attractions de la Corniche.
                 y installent aussi des cabanons »,   ‘casino municipal’, des hôtels   du Lido, inaugurée durant l’été   En juillet 1934 ouvre ce
                 écrivent Monique Eleb et Jean-  dont deux ‘grands palaces’
                 Louis Cohen. Mais l’industrialisation   devant l’océan, des lotissements   Piscine du Lido
                 croissante d’Aïn Sebaa et la   de villas de plaisance
                 dangerosité de la plage des Roches   luxueuses, quelques immeubles
                 Noires contraignent les autorités à   d’appartements et des jardins. Il
                 trouver d’autres lieux de baignades et   envisage également un champ
                 de farniente, poussés par la demande   de courses », écrivent Monique
                 croissante de la population. Ce sera   Eleb et Jean-Louis Cohen. Si
                 Aïn Diab. « Or, cette côte était très   ce projet restera sans suite,
                 inhospitalière, raconte Monique Eleb.   Aïn Diab devient un lieu de
                 Il y avait des rochers, on ne pouvait   promenade privilégié. En 1928,
                 pas nager. Pendant la guerre de 14-  des voies d’accès sont tracées,
                 18, Laprade, l’un des architectes de   un service de bus mis en place
                 Lyautey, dispose d’une main-d’œuvre   et des villas et cabanons sont
                 constituée de prisonniers allemands qui   construits le long de ce qu’on
                 construisent une route sur les dunes.   appelle désormais « la Corniche ».   1930. Elle propose des bassins   qui devient aussitôt la fi erté
                 Le parapet qui existe actuellement est   En revanche, la force des vagues,   d’eau de mer, deux grandes   des Casablanca, la piscine
                 d’ailleurs la trace de l’ancienne dune.   les tourbillons et les courants   terrasses et une quarantaine   municipale Georges Orthlieb,
                 On fait sauter des rochers pour que le   contraires rendent la baignade   de cabines. Elle devient le   du nom du contrôleur civil, chef
                 sable s’amasse et, peu à peu, le lieu est   extrêmement risquée. Or, le sport,   fi ef des sportifs. Plus loin, le   de région. Construite sur 5,7
                 transformé en plages. »        et particulièrement la natation,   restaurant la Réserve ouvre en   hectares, c’est alors le plus grand



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