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CASABLANCA 1920 -1970 I I Piscines
La piscine du Sun-Beach
La piscine Le Lac et La Réserve.
LE SUN-BEACH OU LE CULTE DU SPORT
LE SUN-BEACH OU LE CULTE DU SPORT
La mixité ethnique de la piscine ‘de ne pas laisser oisifs à la j’étais membre », se souvient-il.
municipale est loin de faire piscine des jeunes gens dont la Les Marocains ne sont pas les
l’unanimité. Ainsi, en 1938, est créé formation morale est en cours’ ». seuls indésirables au Sun-Beach.
le Lac. Cette piscine équipée d’une Le Sun-Beach est longtemps Si, en 1942, les Américains
piscine d’eau de mer et d’un terrain réputé « interdit aux juifs et aux qui viennent de débarquer à
de volley-ball attire « des clients arabes ». De fait, Lennad ne cache Casablanca sont les bienvenus,
fortunés, des hommes d’affaires pas son aversion pour les peaux ils ne le restent pas longtemps. Ils
et leur famille », écrivent Monique « à l’ombre douteuse », même sont bruyants, souvent issus de
Eleb et Jean-Louis Cohen. s’il tolère quelques exceptions classes populaires et, comble de
Pendant la Seconde Guerre parmi les familles musulmanes « l’horreur », parfois Noirs. « Lennad
mondiale, un journaliste parisien de haute lignée et les juifs très a alors créé le Miami Beach pour
qui répond au pseudonyme de fortunés. Monique Eleb et Jean- que les Américains ne viennent
Roland Lennad rachète le Lac Louis Cohen, ont consulté les pas importuner la crème »,
avec l’idée de « reproduire l’idéal annuaires de membres du début explique Monique Eleb. Creusée
sportif et mondain qu’était pour des années 1950 : « sur un millier dans les rochers, cette piscine « en
lui le Racing-Club de France », d’adhérents, on compte à peine principe ouverte à tous, fi ltre ses
expliquent les auteurs. Il le baptise trois musulmans et une dizaine de clients par le jeu du prix d’entrée,
le Sun-Beach et en fait un lieu juifs ». Le prince Moulay Hassan comme toutes celles qui suivront
« fondé sur le culte du sport. lui-même, accompagné d’amis, sur la Corniche ». Dans les années
Ce n’était pas un endroit pour se verra refuser l’entrée du Sun- qui suivent, les Européennes et
simplement se retrouver entre Beach, raconte l’ancien secrétaire les jeunes Marocaines aisées s’y
copains. Si les enfants ne faisaient d’Etat Ahmed Benkirane : « il s’en rendent à la conquête des GIs.
pas de sport, ils étaient renvoyés, est toujours souvenu et m’en a fait Un certain nombre d’entre elles y Le Sun-Beach à l’été 1961.
raconte Monique Eleb. Il s’agissait la remarque quand il a appris que trouveront le rêve américain…
DE LA « MER DES ÉGOUTS » À TAHITI
DE LA MER DES ÉGOUTS À TAHITI
Ceci dit, l’immense majorité savions pas ce que c’était, nous
des habitants de la médina n’a nous amusions à les gonfl er,
pas les moyens fi nanciers de comme des bouées. Au retour,
fréquenter ces plages privées, nous allions nous laver dans les
ou alors occasionnellement. Pour fontaines publiques parce que,
les gamins délurés de la vieille quand nous arrivions à la maison,
ville, la plage, c’est Mriziga, la les parents léchaient nos mains
« mer des égouts », en face pour voir s’il y avait du sel et s’ils
de la cité El Hank. « En termes en trouvaient, nous recevions
d’hygiène, ce n’était pas terrible, une raclée. » Mriziga est encore
reconnaît Brahim Lamine, même la plage attitrée des enfants de
si bien sûr, les égouts n’avaient la médina au début des années
rien à voir avec ce qu’ils sont 1970. « C’est là que nous avons
aujourd’hui. On trouvait des appris à nager, se souvient Aziz
Tahiti plage.
préservatifs : comme nous ne Chabine, le patron de la Sqala.
102 VH magazine Novembre 2011

