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UNE SUITE D’ESPOIRS DÉÇUS d’une intervention où il réclame Le général Juin est remplacé
l’indépendance du Maroc. Accusé par le général Guillaume, tout
La fi n de la Seconde Guerre la foule marocaine sans motif de s’être fait roulé dans la farine aussi conservateur. En 1950, le
mondiale donne aux Marocains apparent. Ils font plusieurs par les Marocains, Eric Labonne Sultan entame un bras de fer
une nouvelle raison d’espérer. Le avec l’administration coloniale.
Sultan est reçu à Paris en grande En oût 1943 à Rabat, le sultan Mohammed Ben Youssef rencontre le A Casablanca, la résistance
pompe et fait « Compagnon de général De Gaulle en présence du prince héritier Moulay Hassan. s’organise, notamment sous la
la Libération » par De Gaulle. houlette de Mohamed Zerktouni,
Autre signe de détente : la un jeune menuisier militant de
nomination d’un nouveau résident l’Istiqlal issu de l’ancienne médina
de Casablanca qui, en 1951,
est l’un des créateurs, aux côtés
d’Abderrahmane Senhaji, de
l’Organisation secrète. C’est cette
année-là qu’Ahmed Benkirane
rentre au Maroc, après avoir
achevé ses études en France.
« Ma famille était liée au libéral
français, PDG des huiles Lesieur
en France, Jacques Lemaigre
Dubreuil chez qui j’avais fait
mon stage de fi n d’études à
Paris, raconte-t-il. Je suis rentré
au Maroc en même temps
Le Sultan Mohammed Ben Youssef est fait
Compagnon de la Libération par le Général De Gaulle. qu’Abraham Serfaty et Abdelkrim
Benabdallah qui, six mois après
l’indépendance, a été assassiné
sur la route de Médiouna dans le
cadre des règlements de comptes
entre anciens résistants. Quand
j’ai été interdit de séjour de
Marrakech en 1951, en raison de
mes activités politiques, Jacques
Lemaigre Dubreuil m’a aidé à
ouvrir un magasin de mise en
bouteilles d’huile comestible à
Casablanca, boulevard de Suez,
actuel boulevard El Fida, près
de la première station-service
Le Sultan Mohammed Ben Youssef Afriquia. » Le quartier est alors
Philippe Boniface, chef de la Région de Casablanca. prononçant le discours de Tanger.
un haut lieu du nationalisme.
« J’habitais près de Brahim
général, Eric Labonne, qui mise centaines de morts. La police est limogé. Il est remplacé par Roudani et El Houssein Elbaz,
sur une sortie de crise par le n’interviendra pour les désarmer le général Juin, soutenu par dit ‘El Houss’, puis, quand ils
développement et la prospérité. que plusieurs heures plus tard. les fanatiques de « Présence sont sortis de prison, d’Abdallah
Mais à Casablanca, la situation C’est sous le coup de l’émotion française ». Dès lors, Boniface a Ibrahim et de Mahjoub Ben
s’est considérablement durcie : que, trois jours, plus tard, le les mains libres et la répression Seddik, se souvient l’ancien
sous la houlette du chef de sultan Mohammed Ben Youssef s’abat sur les nationalistes secrétaire d’Etat. En face, il y avait
région, le contrôleur Philippe prend la parole à Tanger lors marocains. la clinique du docteur Khatib qui
Boniface, la résidence est a soigné de nombreux résistants
devenue un nid d’« ultras ». et a fourni à certains d’entre
« Boniface était le véritable patron eux (dont Mohamed Zerktouni)
du Maroc, a témoigné l’ancien des capsules de cyanure au cas
ministre Mohamed Cherkaoui où. Une partie du mouvement
dans le documentaire de Frédéric nationaliste se trouvait ainsi
Mitterrand Un printemps 1956 installée dans un petit périmètre.
– L’indépendance du Maroc. Il Compte tenu de nos activités
était doté d’une intelligence vive politiques, nous ne pouvions
mais était un comploteur-né. Il pas habiter en ville nouvelle.
a constamment œuvré contre Cela nous a permis de travailler
la monarchie et la personne du tranquillement. Mon magasin
Roi. » Le 7 avril 1947, dans la est devenu un refuge pour ceux
nouvelle médina, les tirailleurs Le Général Guillaume. qui sortaient de prison ou la
sénégalais ouvrent le feu sur fuyaient. »
Novembre 2011 VH magazine 105

