Page 54 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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Maraboutisme et Soufi sme

                  Les Marocains en rupture avec leur passé
                  Les sondages ont cela d’intéres-
                  sant qu’ils renseignent sur la
                  perception qu’une population
                  a d’elle-même à un moment
                  donné de son histoire.  Il y a
                  quelques mois, le PEW Research
                  Center, un institut de recherche
                  américain réputé, a passé au
                  crible les comportement et le
                  profi l religieux des musulmans
                  du monde. Statistiques à l’appui,
                  l’étude dresse le portrait-robot
                  du « musulman marocain moyen
                  ». Parmi les chiffres de sondage
                  relevés par cet institut qui se
                  présente comme un « fact tank »
                  et dont le cœur de métier consiste
                  à rapporter des chiffres, certains
                  aspects du profi l du Marocain
                  moyen, mis à la lumière de l’histoire
                  du pays, sont très signifi catifs sur
                  la transformation en profondeur
                  subie par la société marocaine                    L’institut américain a dressé le « portrait-robot » du musulman moyen dans le monde et au Maroc.
                  dans son ensemble dans un laps
                  de temps très court. En effet,   sont pas favorables aux mara-  l’histoire du Maroc, et au travers du   relatif au rapport des Marocains
                  parmi les chiffres recoupés de   bouts », ainsi que celui de 41% qui   Dictionnaire des noms de famille   avec le maraboutisme puis, dans
                  l’enquête du PEW, on relève celui   affi rment que « les soufi s ne sont   du Maroc de Mouna Hachim,   un second temps, sur celui des
                  de 71% de Marocains « qui ne   pas musulmans ». A la lumière de   revenons sur le premier chiffre   Marocains au soufi sme.



                  Les marabouts et les zaouïas à l’origine du Maroc
                  Sur le chiffre de 71% de   exemple de Dar Bouazza, du   avoir frappé la population   groupuscules salafi stes dans
                  Marocains «qui ne sont pas   nom du saint Moulay Bouâzza   marocaine. Elle rappelle que   les montagnes du Haut Atlas
                  favorables aux marabouts »,   qui y est enterré, ou encore   la tradition maraboutique au   et représentant le soleil sont
                  l’enquête du PEW Research   de Sidi Boushab, du nom du   Maroc remonte à bien avant   là pour en témoigner. Puis, il
                  Center ajoute que « seuls 29%   mystique enterré à 33 km à   l’avénement de l’Islam, avec   y a eu le christianisme qui a
                  des Marocains estiment qu’il                                                    donné à cette culture divinatoire
                  n’ y a rien de mal à visiter des                                                des tonalités chrétiennes.
                  marabouts. Les autres (71%)                                                     Enfi n, il y a eu l’Islam qui, lui,
                  considèrent cela comme                                                          s’est propagé par la voie du
                  anormal ». Lorsqu’on sait                                                       syncrétisme. Elle se souvient
                  l’importance des marabouts                                                      qu’elle-même, enfant, dans la
                  (étymologiquement venant du                                                     région où est né son père, à
                  mot « ribat ») dans le processus                                                Mediouna, il y avait des grottes
                  d’islamisation du Maroc, ainsi                                                  avec un Sayed (Saint) du
                  que le rôle de ces ribats, qui                                                  nom de Sidi Marchich où l’on
                  deviendront plus tard des                                                       invoquait les esprits des djinns
                  zaouïat, dans l’histoire du                                                     en peignant les murs desdites
                  pays, on peut s’étonner d’un                                                    grottes avec les couleurs de
                  tel phénomène de rejet de la                                                    chacun d’entre eux, le rouge
                  part des Marocains. La culture                                                  pour Bacha Hammou, le jaune
                  des siyad et des marabouts                                                 DR.  pour Lalla Mira, le noir pour
                  n’est-elle pas ancrée dans                                                      Lalla Mimouna, etc. Aussi, les
                  l’histoire du Maroc au point   l’est d’Agadir. C’est ainsi que,   notamment le zoroastrisme et le   gens venaient en procession
                  que, par exemple, en matière   lorsqu’on interroge Mouna   culte de Mitra. Les gravures sur   accrocher sur un immense
                  de toponymie, énormément de   Hachim sur les conclusions   pierre datant de plus de 8.000   fi guier à l’entrée de la grotte
                  bourgs et de localités portent   de l’étude du PEW Research   ans qui ont fait l’objet d’un   des bouts de tissus que l’on
                  les noms des saints enterrés   Center, elle déplore cet état   démenti quant à leur destruction   appelle en Grèce des ex-
                  dans la région ? C’est le cas par   d’amnésie collective qui semble   au mois d’octobre par des   voto, c’est-à-dire, « des objets



                                                                                              Novembre   2012    VH magazine   55
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