Page 55 - VH Magazine N°114 - Novembre 2012
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DOSSIER  I I  « Marocain, Chkoun N’ta? »

                  placés dans un lieu vénéré en
                  accomplissement d’un vœu ou
                  en signe de reconnaissance ».
                  Une manière d’isoler le mal
                  en l’incarnant dans un bout de
                  chiffon que l’on accroche à cet
                  arbre pour l’éloigner de soi. Ces
                  croyances païennes et animistes
                  qui précèdent l’Islam perdurent
                  donc jusqu’à nos jours. Ensuite,
                  avec l’avènement des religions
                  monothéistes, beaucoup de
                  ces anciens cultes païens ont
                  été récupérés, comme c’est le
                  cas, le rappelle la généologue,
                  pour le Saint Sidi Bouzid qui est
                  en fait ni plus ni moins qu’une
                  assimilation par le syncrétisme                                        Mustapha El Khalfi dément la destruction des gravures
                  musulman de Poséidon, une                                               rupestres du site Yagour, dans la province d’Al Haouz.
                  divinité berbère.



                  A la source de
                                                                           Ribat destiné à défendre le littoral
                  l’islamisation
                                                                           marocain dans la région de Safi.
                  du Maroc :
                  les Ribats
                  Et Hachim d’ajouter : « On
                  doit l’avènement de l’Islam en
                  Afrique du Nord aux ribats des
                  moines guerriers. En effet, à
                  l’époque, on ne concevait pas
                  la guerre sans cette dimension
                  spirituelle, djihadiste. Ces
                  moines guerriers essaimèrent   Le ribat de Sidi Ouqba, le premier
                  des ribats au fur et à mesure   ribat musulman d’Afrique du Nord.
                  de leurs conquêtes. Ancêtre
                  des zaouïat, les ribat constituent
                  des postes de rassemblement   Nafi , le premier général arabe   Asie, avec les monastères des   faisant notamment des fi gures
                  de moines guerriers vivant dans   à venir propager l’Islam au   moines Shaolin. Au Maroc, nous   acrobatiques telles que leur
                  la dévotion et dans l’extension   Maghreb. Ces Ribats étaient   avons ainsi la confrérie des   célèbre pyramide humaine. A
                  et la protection des frontières   donc des lieux de prières et   Hmada Moussa, ceux-là même   l’origine, cette pyramide humaine
                  de l’Islam. Le premier ribat   d’incantations mais aussi des   qui aujourd’hui sont devenus   permettait en fait aux guerriers
                  musulman d’Afrique du Nord   lieux où l’on apprenait des   des troupes se produisant dans   d’ escalader les murailles des
                  étant celui de Sidi Ouqba en   techniques de guerre. On   des halkas, telles que celle de   forteresses. C’était, à la base,
                  Tunisie, du nom d’Ouqba Ibn   retrouve pareil phénomène en   Jamaa el-Fna à Marrakech, en   une technique de guerre ».


                  Du Ribat à la Zaouia
                  Dans les zones non menacées, le   « contribua grandement à achever   musulmane ». Tel fut le cas des   grands voyageurs : les daï
                  ribat perdit son caractère militaire   l’islamisation des campagnes, au   tribus Ghomara qui, comme le   (propagandistes) chargés de
                  pour devenir le siège de religieux   prix de quelques concessions   rappelle Mouna Hachim sous le   répandre la doctrine chiite. On sait
                  très respectés. Des confréries   secondaires à des pratiques   nom « Ghomari », adoptent des   le succès extraordinaire de l’un
                  s’organisent, à des époques plus   ante-islamiques qui n’entament   tendances schismatiques tels le   d’eux, Oubayd Allah, imam des
                  récentes, en prenant appui sur des   pas la foi du croyant. Car le grand   chiisme ou le kharijisme, avec à   ismaëliens, originaire de Syrie,
                  centres d’études religieuses, les   danger auquel doit faire face   leur tête Maysara, porteur d’eau   proclamé Mehdi par les Ketama,
                  zaouïa, qui sont les héritiers des   l’orthodoxie sunnite avait été dans   de son état, chef de coalition   et qui fut à l’origine de l’empire
                  anciens ribats. Ce mouvement,   les premiers siècles de l’Islam ces   des tribus berbères Ghomara,   fatimide chiite. Un empire berbère
                  souvent mêlé de mysticisme   missionnaires kharédjites venus   Berghwata et Meknassa contre   né dans les montagnes de Ketama
                  populaire, est lié au maraboutisme,   d’Orient qui, tout en répandant   les gouverneurs arabes accusés   pour se répandre jusqu’en Égypte
                  autre mot dérivé aussi du ribat.   l’Islam dans les tribus surtout   de tyrannie et de népotisme en   et régner de 909 à 1171. »
                  « C’est ce maraboutisme »,   zénètes, séparèrent une partie   faveur de leur clan.     Au sujet des zaouïas, Hachim
                  précise Mouna Hachim qui   des Berbères de l’orthodoxie   « Autres missionnaires et   rappelle que « l’une des premières



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