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LA COUV’ I I Destins brisés
Majda Abdelouahab Voix inoubliable de la chanson marocaine
moderne, Majda Blidi, plus connue sous
UNE VOIX QUI NOUS MANQUE le nom Majda Abdeouahab, nous a quittés
en 1992. Elle avait 30 ans.
« Fat el fout ». Qui ne L’interprétation de Majda
fredonne pas encore Abdelouahab, avec sa grâce
aujourd’hui quelques couplets juvénile, restera dans les
de ce refrain indémodable? annales de la chanson
Après le succès phénoménal marocaine. L’artiste Egyptien
de « Jrit ou jarit », le Mohamed Abdelmotaleb ne
parolier Ali Hadani et le disait-il pas que son « énergie
compositeur Abdelkader vocale est la quintessence
Wahbi, préparaient deux d’Ismahan, Laila Mourad
autres chansons pour Naima et Fayrouz réunies » ? En
Samih. Les choses de la voyageant dans le monde
vie ont empêché le projet arabe, elle la faisait apprécier,
d’aboutir et le texte de « Fat el sans difficulté, à des oreilles
fout » macérait dans un tiroir. orientales réticentes au
Après maintes recherches, dialecte marocain.
ils apprennent l’existence La casablancaise, née
à Casablanca d’une jeune en 1962, et à qui le milieu
chanteuse au nom de Majda artistique promettait un
Blidi, issue d’une famille de florissant avenir a disparue
musiciens. Ils la contactèrent navette Rabat-Casa pour tube consacré par le prix de la dans un tragique accident
et lui soumettent le premier répéter avec elle au sein de sa chanson de la saison 1981. de la route entre Kenitra
couplet qu’elle chanta avec famille. Une fois la chanson « Où tu es ?/réveilles toi de et Rabat. Dans sa chanson
grâce. La chanson a trouvé prête, ils l’enregistrèrent tes songes/tourne la page et fétiche, elle entonnait :
finalement sa voix. Pendant avec l’orchestre national. Et dis-toi que t’a oublié/je suis « grâce à dieu j’ai échappé
des semaines, le parolier et dés sa première diffusion le en face de toi/comme si je à la mort/la passion m’a
le compositeur faisaient la public l’adopta et en fera un n’avais jamais aimé. » soignée et j’ai guéri »!
Abbès Saladi
L’IMAGINATION CRÉATIVE
Un artiste et une œuvre qui se refusent à toute classification. Abbes Saladi s’est
éteint, à l’instar de l’une des bougies qui hantent son imaginaire créatif, le dimanche
6 septembre 1992. Il avait 42 ans.
é en 1950, nommé on l’interne à l’hôpital Razi de m’a encouragé à continuer à
Abbes en référence à Salé. « Là l’envie de peindre peindre. »
NAbou al abbas Sebti, le saisit. Il obtient de sa mère, Sa première exposition est
saint patron de Marrakech, qui lui rend visite, du papier organisée à la bibliothèque de
Saladi est orphelin de père, et de la gouache. » écrit le l’American langage center en
coiffeur de son métier, à l’âge critique Farid Zahi. De retour 1978 grâce a son directeur qui a
Abbes Saladi (1950-1992), l’artiste
de trois ans. Sa mère le confi e à Marrakech, il s’installe chez remarqué son travail. En 1979, à la tête dans les songes.
à un oncle à Casablanca. Ce sa sœur Hlima et se consacre il rencontre Pauline de Mazière
dernier tenait une gargote où à sa passion dévorante. qui l’intègre au groupe de la de personnages hybrides,
l’on sert du poisson frit. Abbes Taciturne, solitaire, il trouve galerie l’Atelier à Rabat. Un de minarets, de coupoles,
l’aidait dans son commerce. refuge dans la création. peintre dans le vent qui se vend. d’oiseaux et d’une végétation
Loin d’être considéré comme Ses premières toiles sont Saladi, qui succomba suite luxuriante. Des scènes très
un membre de la famille, il se exposées et vendues par sa à une maladie nous lègue BD de l’univers des amuseurs
refugie dans les études, cours sœur sur la place Jamaa El une œuvre à la thématique publics de la place des miracles.
du soir, jusqu’à l’obtention du Fna. Il déclara, au cours d’un originale. Inspirée de la
BIBLIO.
bac en 1972, ainsi que d’un entretien avec Tania Bennani ville ocre, elle nous propose Farid Zahi, Abbès Saladi, un monde
DEUG de philosophie en 1976. Smires, « cette expérience m’a un monde surréaliste de féerique, Editions Marsam, collec-
Sa santé psychique se fragilise, apporté peu d’argent mais elle rêves inconscients, hantés tion Regards Obliques, Rabat, 2006.
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