Page 49 - Lire votre magazine en version PDF
P. 49

Houcine Saloui

                 LE TROUBADOUR DE LÉGENDE





                 Ses refrains, indémod-                                                       son premier disque en 1941,
                 ables, sont toujours sur                                                    « Hahoua tani ». Après sa
                 nos lèvres. Houcine Slaoui,                                                  participation à l’exposition
                 qui concilia les rythmes                                                     universelle de 1936, Il
                                                                                              retourne en France au
                 folks marocains et les                                                       début des années quarante
                 modes orientaux, disparaît                                                   et commence à enregistrer
                 en 1951. Il avait 30 ans.                                                    chez Pathé Marconi avec
                                                                                             « A rassi ou ma daz aalia ou
                      ’est à Salé, Salwania                                                   baki ». En 1944, il écrit et
                      comme il aimait                                                         compose sur le bateau « Ya
                 Cl’appeler affectueuse-                                                      mouja ghanni », enregistrée
                 ment, que Houcine Slaoui                                                     à Marseille avant qu’il arrive
                 à vu le jour en 1921. Il perd                                                à Paris. De 1944 à 1948, il
                 son père en 1923, ainsi que                                                  ne cessa de faire des allers
                 son grand frère Abdelkader                                                   retours entre les deux
                 trois ans plus tard. Sa mère                                                 pays. En 1948 il s’installe
                 Aicha R’batia s’occupe du seul                                               à Paris, constitue une
                 enfant mâle qui lui reste en                                                 troupe maghrébine avec les
                 compagnie de ses trois sœurs,                                                meilleurs musiciens et hante
                 Zohra, Fatima et Amina. Elle                                                 les troquets et cabarets de

                 le confie à l’école coranique où                                              la ville lumière. En cette
                 au lieu de psalmodier le coran,                                              même année 1948, le hasard
                 il le chante. Ses amis l’imitent                                             a voulu qu’il enregistre « Ayli
                 ce qui a exaspéré le fakih qui                                               ayllali », Samy Elmaghribi
                 le renvoie chez lui. Un tailleur                                             une série de chansons dont
                 de Djellabas traditionnelles                                                « choubban arriyyada »,
                 l’initie au métier. Le Maallem                                              « nachid al malik » et
                 se rend compte de la dispari-                                                Mohamed Fouiteh « Lahbib

                 tion de fils, piqués par notre                                                a lahbib ». Ce dernier, qui
                 futur artiste pour confectionner                                             chantait du classique arabe,
                 un instrument à cordes. Il est                                               a enregistré la fameuse
                 renvoyé une deuxième fois.                                                  « Awmaloulou », sur les
                 Dans la solitude du cimetière                                                conseils d’Ahmed Hachelaf,
                 Benacher, il s’adonne à sa                                                   directeur artistique chez
                 passion, le chant et la musique.   Houcine Slaoui (1921-1951) dans l’une des belles pochettes illustrées de   Pathé Marconi, inspirée par
                 Il avait à peine 8 ans. Son   Pathé Marconi. (Source Bledmag.)               l’expérience de Slaoui.
                 rêve c’est de devenir le grand                                               L’œuvre de Houcine Slaoui,
                 Hlayki, amuseur public, du   Ay ay ay sur cette époque   A Casablanca, il installe sa   d’une modernité inouïe, ne
                 pays. A Salé et Rabat, il passait   et ce qu’elle est devenue.  Halka à la place Al Baladia   cesse d’inspirer depuis. Ses
                 son temps dans ses cercles,                        de Derb Soltane, à côté du   refrains ne sont-ils pas
                 notamment ceux de Moulay   Les américains ont débarqué.  cercle de Maddaha Mbarka.   repris par son fils le regretté

                 Bouih et Boujamaa El farrouj.   Des gens se sont enrichis.  Cette dernière, s’aperçevant   Mohamed, son petit fils Hatim

                 Ces derniers décèlent chez   Nos femmes ne nous    qu’il lui pique sa clientèle,   et d’autres musiciens à l’instar
                 lui de grandes potentialités   respectent plus.    s’arrange avec lui pour former   d’Enrico Macias, Maurice
                 et Boujamaa lui offre son   Même les mamies ont mis la   une seule troupe. Elle l’invite   Mediouni et autre Barry ?
                 « Sdassi », guenbri à 6 cordes.                    à s’installer chez elle et le   Malade, il rentre au Maroc

                 Il finit par intégrer le cercle   voilette          marie à sa fille, Lakbira.   en 1951, entonnant son

                 de Moulay Bouih à l’âge de 12   et se sont mises, à coeur joie,   La rencontre avec Ahmed   dernier morceau « Ya ghrib
                 ans. Plus tard, il commence à   au Chewing Gum.    Boudaroua a été décisive   Lik allah », « étranger, il ne
                 sillonner les villes du pays tel   Les mariées ont trouvé des   dans son parcours.   te reste que Dieu ». Décédé
                 un troubadour et à apprendre                       Ce dernier qui possédait les   le 16 avril 1951, Il est enterré
                 les chants et les rythmes de   excuses             éditions Boudroiphone, route   au cimetière Sidi Belabbès à
                 chaque région.            Et quittent foyers et époux.  de Médouna, lui enregistre   Salé.


                                                                                           Juillet   2014    VH magazine   4
   44   45   46   47   48   49   50   51   52   53   54