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LA COUV’  I I  Destins brisés




                                          Mohamed Aboudrar

                                          UNE SYMPHONIE INACHEVÉE


                 Pianiste, chef d’orchestre                                                   manifesté  nous  révèlent   un
                 et professeur de musique,                                                    artiste hors pair. Citons,
                 Mohamed Aboudrar nous                                                        entre autres, Une ouverture
                 quitte au mois de janvier                                                    symphonique en ré mineur
                                                                                              d’obédience frankiste, Une
                 1982. Il avait 44 ans.
                                                                                              deuxième ouverture en
                                                                                              do majeur de caractère
                                                                                              mozartien, L’orchestration
                                                                                              de 4 chants nationalistes
                                                                                              dont le célèbre « ikhwano
                                                                                              assafâ ». La première
                                                                                              des deux ouvertures
                                                                                              précitées a été jouée à
                                                                                              titre posthume vers 1984
                      é en 1937, après des
                                                                                              à Moscou sur l’initiative
                      études à Madaris
                                                                                              de feu Abderrahman
                 NMohamed al Khâmis à
                                                                                              Fennich. Les musiciens

                 la fin des années cinquante,
                                                                                              de la radio marocaine le
                 Mohamed Aboudrar intégre
                                                                                              connaissaient également
                 le conservatoire de Rabat
                                                                                              pour son enregistrement
                 où il apprit, avec Jacques
                                                                                              de la séquence pianistique
                 Bugard, le solfège et le
                                                                                              de la chanson « ibtassim
                 piano. Ensuite, il bénéfi cie
                                                                                              ya ghazâl » de Abdelkader
                 d’un stage à Paris chez
                                                                                              Rachdi et Ismail Ahmed.
                 Maurice Martenot  et suivi
                                                                                              Les lecteurs qui se
                 des cours supérieurs de
                                                                                              souviennent de ses textes,
                 musique comme son ami
                                                                                              publiés dans Al Alam sous le
                 Ahmed Essyad. A Paris, où il
                                                                                              nom de Mohamed Benaissa
                 passa pas moins de 15 ans,   Mohamed Aboudrar (1937-1982).
                 Aboudrar intègre la Schola   Ne tirez pas sur le pianiste !                  Soussi, premier nom familial,
                                                                                              rêvent de leur édition en
                 Cantorum pour des cours
                 d’harmonie, de contrepoint
                 et de composition musicale.
                 Il se familiarise avec la
                 musique contemporaine     CELUI QUI  DIRIGEA, POUR UN MOMENT, L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DU  MINISTÈRE DE
                 et notamment celles de    LA CULTURE FUT DÉSABUSÉ PAR LE MANQUE DE MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS MIS
                 Pierre Boulez et s’intéresse
                 aussi bien aux méthodes   À LA DISPOSITION DES CONSERVATOIRES. L’ARTISTE SE REPLIA SUR LUI-MÊME, PRIVANT
                 actives  de Karl Orff et   SON PAYS D’UN POTENTIEL REMARQUABLE EN TERMES DE PÉDAGOGIE, DE COMPOSITION ET
                 de Zoltan Kodaly. Puis, il
                 séjourne au Mozarteum à   D’ORCHESTRATION.
                 Salsbourg en Autriche, et
                 suivit des cours de direction   en main les destinées du   de la Culture fut désabusé   livre. Mohamed Aboudrar
                 d’orchestre à Hilversum en   bureau de la musique et des   par le manque de moyens   est le frère de Abdessalam
                 Hollande.                 examens au Ministère de la   humains et matériels   Aboudrar, président de
                 Le Ministère de la jeunesse   Culture, encouragé par feu   mis à la disposition des   l’Instance Centrale de
                 et des sports le sollicite   Ahmed Sefrioui. En 1978, il   conservatoires. L’artiste se   Prévention de la Corruption,
                 pour animer des cours de   contribue à l’ouverture du   replia sur lui-même, privant   et géniteur d’Amine Aboudrar,
                 musique à la Mamoura.     Centre Culturel de Jerada   son pays d’un potentiel   alias Al kaysar, l’un des
                 De 1974, date du retour de   avec des cours de piano et de   remarquable en termes de   fondateurs du rap marocain,
                 l’enfant prodige,  à 1977 il   solfège.            pédagogie, de composition   connu, entre autres, par la
                 enseigne au conservatoire de   Celui qui  dirigea, pour   et d’orchestration. Mais   chanson du générique du

                 Rabat puis au conservatoire   un moment, l’orchestre   les rares occasions   film de Noureddine Lakhmari,
                 de Kénitra, avant de prendre   symphonique du  Ministère   où ce potentiel s’est   Casa Negra.
                      VH magazine   Juillet   2014
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