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ABDELHAÏ LARAKI, cinéaste

NOUREDDINE LAKHMARI, cinéaste « LES FEMMES SONT RENIÉES

« LES GENS NE SAVENT PLUS JUSQUE DANS LEUR CORPS ET ENGLUÉES
À QUEL SAINT SE VOUER » DANS UN STATUT INFÉRIEUR »

On est devenu moins tolérant, plus misogyne, plus rétrograde,
Les années 2000 s’annonçaient avec fracas et enthousiasme, une
on se cache derrière la religion pour justifier la haine ainsi que

page de l’histoire du Maroc venait d’être tournée. Nous vivions une
la violence faite envers la femme, les minorités et tous ceux
mutation qui laissait entrevoir des lendemains meilleurs. Le convenu
qui ne pensent pas comme nous. Nos politiciens maquillent
et la censure cédaient la place à l’audace. Le Maroc, inscrit dans sa
leurs incompétences, leurs failles et leur manque de visions
double généalogie Orient/ Occident commençait à s’atteler dans
progressistes par leurs discours populistes. Il y a un tel vide
la voie de la modernité. La réforme Royale rehaussait le statut
politique que les gens ne savent plus à quel saint se vouer.
juridique des femmes. Les minorités commençaient à s’exprimer.
Alors dans ce vide, se nichent les peurs, les extrémismes et
Les démocrates bousculaient par leur vécu la lettre de la Loi et le
surtout l’incertitude.

juridique a fini par s’accorder au fait avec une nouvelle Constitution,
L’éducation est en faillite, nos télévisons glorifient la médiocrité

porteuse de grands espoirs! Que s’est-il passé alors? Les forces
et nos citoyens fuient leur devoir. Et c’est cette fuite en avant
rétrogrades et conservatrices, tapies dans l’ombre, continuaient à
qui est dangereuse. C’est une pente glissante qui peut s’avérer
agir, d’abord sournoisement puis, petit à petit plus ouvertement, ce
fatale à négocier.
à quoi nous assistons aujourd’hui: les esprits sont bridés. L’esthé-
La solution c’est de miser sur la culture et l’éducation, favoriser
tique se drape d’une éthique. Les femmes sont reniées jusque dans
le dialogue et les débats, les parents comme les enseignants
leur corps et engluées dans un statut inférieur. Les minorités sont
doivent engager une lutte sans merci pour réhabiliter la lecture
et la création. pourchassées.

Aujourd’hui nous sommes face à un défi: d’un côté les forces rétro-
grades marquées par un archaïsme paralysant, que notre part occi-
dentale effraie, de l’autre les forces progressistes attachées aux
libertés créatives et transgressives en ce qu’elles contribuent à
l’épanouissement de la Vie. C’est pourquoi je reste optimiste.
Août-Septembre 2015 VH magazine