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CASABLANCA 1920 -1970 I I Corrida
C
O
RRIDA
L’ANDALOUSE
L
A
:
« LA CORRIDA » : CASABLANCA L’ANDALOUSE
CASABLANCA
»
TÉMOIN DE LA VIE CULTURELLE RICHE ET INTENSE DE LA VILLE BLANCHE DURANT LE SIÈCLE DERNIER, CE LIEU DEMEURE L’UN DES
SYMBOLES DU CASABLANCA DE LA BELLE ÉPOQUE. RÉCIT.
evant son nom à des de la clinique des Palmiers afi n de fin des années 1990. Un livre de service, ils montent sur scène pour
Espagnols, il était s’occuper de la sécurité sanitaire mémoires agrémenté de poèmes de danser et jouer de la guitare. Face au
naturel que Casablanca, des Arènes qu’il fait la rencontre la défunte épouse de Don Vincente succès de la formule, Don Vincente et
tout au long du siècle de Solange, l’infirmière en chef. et surtout, d’une reproduction du livre Solange engagent toute une troupe
Ddernier et jusqu’au Originaire de Tourcoing, dans le d’or du restaurant témoignant de d’artistes. Il y a là l’incomparable chan-
début des années 1970, devienne Pas-de-Calais, Solange, sage- l’extraordinaire popularité du lieu. teuse Marie Carmen Garcia, le grand
un haut lieu de la corrida. Le public femme puis institutrice durant la danseur de Flamenco Angel Torrès,
casablancais peut admirer les plus guerre, a rejoint Casablanca en TOUT LE MONDE AIME LA la célèbre danseuse « La China » et
grands noms de la tauromachie de 1950. Entre elle et Don Vincente, CORRIDA la Japonaise Tomyko qui a étudié le
l’époque : Luis Miguel Dominguin, El c’est le coup de foudre. Les deux En effet, dès l’ouverture en 1955 flamenco à Tokyo.
Cordobès ou encore Manuel Jiménez tourtereaux emménagent ensemble. de ce petit oasis andalous bordé Le restaurant devient alors un
Vera dit « Chicuelo ». C’est dans les Don Vincente prend la gestion d’un de palmiers centenaires situé rue lieu privilégié pour les amateurs
mythiques Arènes que se tiennent restaurant, « La Sevilla ». Début Guy Lussac, actuelle rue El Araar, la de flamenco, « cette musique aux
les festivités devant une assistance
d’inconditionnels atteignant parfois La clientèle distinguée de La Corrida.
les 8.000 spectateurs. Propriété des
frères Salvador et Vincente Castella,
des armateurs espagnols, les Arènes
sont pourtant, à la fin des années 40,
à l’abandon, servant de champs de
culture de pommes de terre et autres.
C’est sans compter la détermination
et le génie d’un homme, l’Espagnol
Don Vincente Marmaneu, et de son
associé français, Paul Barrières. Ces
organisateurs de corridas au carnet
d’adresses bien étoffé reconstru-
isent et rénovent les Arènes, si bien
Photo dédicacée d’El Cordobès.
que le lieu devient, dès le début des
Corrida devient l’endroit origines très anciennes et aux racines
le plus huppé de la ville. très diverses (arabe, juive, gitane,
Le tout Casablanca etc.) ». Hommes d’affaires, diplomates,
cosmopolite et des avocats, médecins, tout ce que le
artistes de renommée Maroc compte comme personnalités
internationale viennent de premier rang se presse dans le
y goûter aux joies de la patio du restaurant après avoir assisté
fête espagnole animée à un spectacle donné au Théâtre
par le couple Marmaneu. Municipal ou aux Arènes. Le Prince
« Les hommes arriv- Moulay Abdallah y a ses habitudes,
aient en smoking et les ainsi que le Prince Héritier Moulay
femmes parées de bijoux Hassan qui se lie d’amitié avec le
et vêtues de robes du couple Marmaneu. Une amitié que
soir. Une clientèle de seule la mort séparera. Celle de
musulmans, de chrétiens Don Vincente, abattu d’une rafale
et de juifs s’y côtoyait de mitraillette durant l’attentat de
Michel Simon, Don Marmaneu en toute amitié. » A son Skhirat, alors qu’il tente de protéger
et son épouse Solange. Les Marmaneu à l’entrée de la Corrida. ouverture, c’est le maître l’ambassadeur de Belgique blessé
des lieux en personne, à la carotide. Il y a aussi, parmi les
années 50, un passage obligé pour 1955, le couple acquiert le restau- Don Vincente, qui inaugure les fidèles de la Corrida, le général Oufkir
tous les grands toréros qui prennent rant « Le Palmier », rebaptisé « Palm soirées en racontant les prouesses et Moulay Ahmed Alaoui, ainsi que
l’habitude d’y terminer leurs tournées. Club » par les Américains. Ils le des grands toréadors espagnols au tous les ministres du palais. Benbarka
Don Vincente Marmaneu, en renommeront « La Corrida ». La suite micro, accompagné de Solange au et Benballa y sont aperçus parta-
s’installant à Casablanca, trouve non fait partie de l’histoire. Une histoire piano. Ensuite, c’est Paco et Thomas geant la même table. Le commandant
seulement le succès et la fortune, qu’Abdellatif Hissouf raconte dans qui sont engagés comme garçons- El Medbouh, Driss Basri, André
mais aussi l’amour. En effet, c’est en son ouvrage La Corrida ou Vie d’une chanteurs, servant les clients tout Azoulay sont également des festivités.
sollicitant les services du médecin Française à Casablanca, publié à la en faisant des vocalises. Après le Aux côtés de cette élite marocaine,
86 VH magazine Novembre 2011

