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CASABLANCA 1920 -1970 I I  Bistros

                                                 MAÂRIF
                                                 MAÂRIF
                                            LE
                                            LE
                  MERS SULTAN ET LE MAÂRIF

                  Mers Sultan, le rond-point aux
                  sept routes et aux infi nités
                  de bistrots. La Concorde,
                  Montmartre, Chez Lui, Chez      La Brasserie Marcel Cerdan.
                  Elle, Le Capitole, l’Atomique,
                  le Bar Soleil, Les Invalides….
                  Quand on demanda au journaliste
                  Hassan Alaoui le nom du troquet
                  se trouvant entre Les Champs-
                  Elysées et Le Chateaubriand
                  (château brillant), il répondit
                  par le titre d’un roman de Najib
                  Mahfoud, « bayna al quasrain »
                  (entre les deux châteaux) ! Le
                  plus célèbre reste Le Café Mers
                  Sultan de Mme Guérin, souffl é,
                  au temps de la résistance, par
                  une bombe. L’événement est
                  relaté dans le roman Casa de
                  François Salvaing : « Les bombes,
                  je le sais, sont dissimulées dans
                  les couffi ns, comme au Marché
                  Central. Ou dans une poubelle,
                  ou encore dans un triporteur…
                  Celle du café Mers Sultan, c’est
                  avec mon père que j’y ai échappé.
                  Après une Suze et une limonade-
                  grenadine, nous rentrions à pied.
                  Le bruit de l’explosion nous est
                  parvenu, lointain, alors que nous
                  traversions déjà le parc Lyautey. »
                  Comment évoquer Mers Sultan
                  sans parler de la deuxième
                  monture de Marcel Cerdan ? Sur
                  le boulevard Mustapha El Maâni,
                  Gaétan, son neveu, y recevait
                  une clientèle fi dèle, notamment   Marcel Cerdan posant en face de la brasserie qui porte son nom.  Derrière son bar.
                  des footballeurs dont le regretté
                  Pitchou. La première Brasserie
                  Marcel Cerdan se trouvait à côté
                  du cinéma Vox, avec son portrait   et Tihihite. Aujourd’hui, le lieu   livre, au visionnage d’un court   Au Maârif, bastion de Ba Driss
                  géant et sa veuve, Marinette,   est devenu une sorte de « café   métrage ou à un concert de la   Khoury et de Mohamed Zafzaf ,
                  à la caisse. Un jour, on déterra   philosophique », à l’instar de   nouvelle scène. Le patron, l’Haj   La Presse reçoit toujours dans
                  sa tombe et on emporta ses   ceux initiés dans la capitale   Abderrahmane Samouh, comme   les règles de l’art. Niché dans une
                  restes en France ! Pourtant,   française. Entre deux verres, on   tout commerçant berbère qui se   ruelle, à l’ombre de l’ancienne
                  « le bombardier marocain »    peut y assister à la signature d’un   respecte, a fl airé l’air du temps.   église transformée en centre
                  combattait au nom du Maroc...                                                   culturel, il y a Le Verre à pied.
                  A Casa, « avec le temps, va, tout                                               Faut-il être initié pour le dénicher !
                  s’en va. » Tout fout le camp !  Brasserie la Presse, 1938.                      Après la tournée des grands
                  En traversant le Parc de la                                                     ducs, la fermeture des bars et
                  Ligue Arabe, on débouche sur                                                    autres night-clubs, les fêtards
                  Brahim-Roudani, boulevard                                                       casaouis, les oiseaux de nuit,
                  qui remonte vers le Maârif. Il                                                  atterrissaient toujours du côté du
                  abrite un nombre incalculable                                                   Marché Central. Las Delicias,
                  de bars, à commencer par La                                                     que tenait Jean Molina et sa fi lle
                  Cigale. Ouvert en 1914, ce                                                      Louise, offrait une très bonne
                  fut une brasserie bon marché                                                    cuisine espagnole avec des
                  avec une clientèle italienne et                                                 saucisses sur la braise et la paella
                  espagnole. On y servait une                                                     valenciana. Une dernière bière, le
                  choucroute royale. Dans les                                                     Petit Marocain sorti tout frais des
                  années 70/80 s’y produisaient                                                   rotatives de l’empire Mas, et une
                  les stars berbères R’kia Demsiria                                               belle journée qui commence !



                  78   VH magazine   Novembre   2011
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